IMAGES DU JURA : MÉNÉTRUX-EN-JOUX

La chapelle de la Fruitière - 1824 - (Commune de Menétrux-en-Joux - Jura )

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Histoire :

C'est un bien modeste monument mais il est symbolique de la foi des paysans d'un hameau qui se sont unis pour financer l'édification d'une petite chapelle. Nous sommes en 1824, 3 ans après la mort de Napoléon et 5 fermiers (assez aisés) de La Fruitière décident de construire avec leurs propres deniers, une chapelle dédiée à la Sainte Vierge. Il y a les 2 frères Richard, François-Xavier et Jean-Pierre et les 3 frères Lamy, Dominique, Louis et Pierre-Joseph.

-1824: construction de la chapelle de la Fruitière dédiée à la Vierge Marie, par François-Xavier et Jean-Pierre Richard, Dominique Lamy, Louis et Pierre-Joseph Lamy. Cette petite chapelle privée est construite en pierres de calcaire gris, porche soutenu par 2 grosses colonnes de pierre, clocher bulbeux typiquement comtois, recouvert de plaques de zinc, toiture de "laves"( on appelle ainsi dans le Jura, des pierres plates appelées lauzes dans d'autres régions).

De nos jours, elle appartient à 3 propriétaires différents. Elle a bénéficié il y a quelques années de travaux de restauration sur les murs et la toiture ( mise hors d'eau) - Il reste un gros travail à faire sur le clocher et les fenêtres. Une grosse planche avait été posée à l'aplomb du clocher pour masquer et protéger la belle cloche de bronze qui sonne encore fort bien.

-1831: mise en place d'un calvaire de pierre en face de la chapelle.        

Anecdotes sur la chapelle :

Le 11 novembre 1918, pour célébrer la fin de la guerre de 1914-1918, ma grand-mère Joséphine Gradoz, sonna la cloche à toute volée, son écho se mêla à toutes les cloches de toutes les églises de France pour célébrer cet armistice tant attendu, qui mettait fin à une des plus grandes boucheries de tous les temps. On pensait alors que c'était la "der de der" - Hélas il n'en fut rien...

Été 1944, La Fruitière devient une importante base de repli pour les maquisards : Un groupe de maquisards ( les maquis comme on les appelle alors à l'époque) s'installe au début du mois d'août à la Fruitière pour chercher un endroit plus sûr, d'où ils pourront rayonner vers Bonlieu, Ilay, la Chaux-du-Dombief, la Billaude, pour tendre des embuscades aux Allemands selon une technique de harcèlement déjà éprouvée par leur grand ancêtre, le capitaine Lacuzon dont je raconte toute la vie et les aventures dans plusieurs pages de ce site.

Août 1944, la mort des 9 soldats Allemands :  Ma grand-mère Joséphine, alors veuve depuis 8 ans et âgée de 67 ans, vivait seule dans sa maison de la Fruitière réquisitionnée par ceux qu'on appelle alors les "maquis" : les résistants. Elle n'a guère le droit de sortir, les partisans ont très peur d'être dénoncés, le Jura grouille d'Allemands, ces derniers sont redoutés des résistants comtois;  ils ont commis des exactions terribles dénotant une grande barbarie : des gens ont été fusillés à Ilay, Bonlieu et un peu partout dans le haut-Jura, on parle de pauvres gens cloués la tête en bas sur leur porte de grange ( vrai ou faux ? Mais cela suffit amplement pour provoquer la peur). La Chartreuse de Bonlieu et tous les bâtiments autour ont été brûlés. Les dignes héritiers du duc de Saxe-Weimar étaient revenus sur le théâtre de leurs sanglants exploits du 17ème siècle et utilisaient les mêmes méthodes de barbares.

Devant la maison, les maquisards ont installé leur cuisine roulante, ils occupent la plus grande partie de la maison, utilisent la cuisine, découpent leur viande sur le couvercle de la maie ce que la maîtresse de maison n'apprécie guère car il sera vite fendu. - Un jour, ma grand-mère décide coûte que coûte d'aller à la messe à Songeson avec son amie, la Céline, malgré l'interdiction de sortir de la Fruitière. Les maquisards à son retour, pensant qu'elle était allée les dénoncer, furent à deux doigts de la fusiller !!

Et puis un jour, ils ramènent 9 prisonniers Allemands capturés pour 8 d'entre-eux, dans une opération à Andelot la plupart sont très jeunes ( mineurs pour certains ) hormis l'un d'entre eux qui dit être marié et avoir des enfants.

Ils seront enfermés plusieurs jours dans la chapelle de la Fruitière qui dut servir ainsi pour la première fois de geôle. Mais avant cela, ces soldats Allemands furent maltraités, comme on peut s'en douter, il y'avait tant de haine, de rage vengeresse dans le coeur des maquisards; ils furent bastonnés, frappés avec la plus grande brutalité sans doute.

 Les Allemand utilisent des otages et ils ont placardés sur les murs : " Pour chaque soldat Allemand tué, trois otages seront fusillés." Un jour, Les maquis apprennent que les Allemands ont fusillé 3 otages en représailles suite à une embuscade des résistants. En réponse le chef des maquis, Vauthier écrira dans une lettre envoyée à la Kommandantur :" Nous avons aussi des prisonniers, nous ferons de même pour vous ." et ainsi, sous la pression de ses hommes, il donne l'ordre de fusiller les 9 prisonniers Allemands, enfermés dans la chapelle.

La dernière nuit, il se raconte qu'on les obligea à se mettre entièrement nus pour les humilier plus encore. Ils passèrent la nuit à trembler, à grelotter tant sous l'effet de l'angoisse mortelle que du froid ( car il fait assez froid la nuit dans le Jura (même au mois de juillet) ils pleuraient, suppliaient, certains appelaient leur mère.Ce fut une nuit terrible que tous les maquis ayant participé à cette exécution, ont préféré, semble-t-il oublier. Une amnésie générale semble les avoir tous frappés.

Le lendemain, dans l'après-midi, on les emmena au fond du grand champ qui fait face à la chapelle, là-bas, il y'a la "sablière", une petite carrière de sable entouré de saules osiers.  

En se rendant à la sablière, certainement plus traînés ou poussés que consentants, frappés par leurs gardiens, ils n'eurent sans doute guère le coeur de regarder le paysage bucolique qui s'offrait sous leurs yeux, celui des belles roches grises de la Fruitière. - On leur ordonna de creuser leur tombe sous la menace des mitraillettes Sten, ils accomplirent cette tache en pleurant et en suppliant, terrorisés à l'idée que leur dernière heure était déjà arrivée. En creusant, ils trouvèrent même des pneus neufs et des bidons d'essnce, dissimulés là par le scieur du coin, avant de livrer ses camions réquisitionnés.

L'exécution eut lieu à 16 h 00, quelques rafales dont l'écho se répercuta dans les roches et ils tombèrent les uns après les autres dans la fosse.  Ils furent ensevelis immédiatement, leurs corps furent relevés plus tard après la guerre. Les rares habitants de la Fruitière à cette période furent tous marqués par ce tragique épisode, un de plus dans l'océan de cruautés qui a marqué cette 2ème guerre mondiale. Même s'il touchait des allemands exécrés par tous, aucun être humain ne pouvait rester insensible à la peur et au désespoir de ces jeunes, dont certains étaient presque des gamins.- C'est également à la Fruitière que fut exécuté un féroce milicien jurassien particulièrement redouté et haï. Il était originaire de la région.

Le 20 août 1944, Vauthier transportera tous ses hommes à Fontenu d'où il préparera l'attaque sur Lons. Pour en savoir plus sur ce groupe de résistants, voir la page "Résistance Comtoise"

A peu près à cette période, entre le 12 et le 21 juillet 1944, les allemands investissent et occupent Dortan dans l'Ain, 15 otages seront torturés puis fusillés; le curé âgé de 70 ans est abattu devant son église, le 21 les allemands incendient le village. Eux n'avaient aucun état d'âme.   

Sources :

Récits familiaux, récits des habitants de la Fruitière, récit d'un participant au maquis de la Fruitière fourni par Jean-Michel Guyon- Photo du défilé de Lons fournie par Jean-Michel Guyon.- Les "Diables rouges" et leurs tractions avant : photo d'archives Séruzier.

Photos couleurs : Roland Le Corff -

 

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©   Roland Le Corff  28/12/2002 -révisé le 04/04/2021