Durant cette longue période, Lacuzon mena de nombreux combats dans le cadre de la guerre mais aussi il dut également affronter des procès (voir les procès de Lacuzon)
1631: Les Comtois, imprudents, en accueillant Gaston d'Orléans, et en lui offrant une retraite contre l'autorité de son propre frère, le roi Louis XIII et contre la rancune du tout puissant ministre Richelieu, allaient fournir eux-même le prétexte d'une intervention..
1635: alerte beaucoup plus chaude, la guerre était proche; Charles IV, duc de Lorraine était venu se réfugier en Comté après la perte de ses états tombés aux mains de Louis XIII; le prétexte était tout trouvé pour le cardinal Richelieu, ministre du roi.-
1636: Début de la guerre de 10 ans, le 28 avril, les gouverneurs de la Comté ordonnent à toutes les communautés de fournir des soldats, le 3 mai 1636, Claude Prost (futur capitaine Lacuzon) quitta sa femme enceinte ( des jumeaux) pour courir à la frontière menacée. Seulement 3 mois plus tard, le nom de Lacuzon commençait déjà à être très connu partout où l'on se battait.
27 mai au 15 août 1636: siège de Dole: une armée française commandée par Condé et comptant 20.000 fantassins, 8.000 cavaliers investit la ville entre le 27 et le 29 mai; le siège durera 3 mois et sera particulièrement atroce. Dole s'était préparée à la résistance, 3.800 soldats s'étaient rassemblés à l'intérieur des murailles renforcées.
Jean Boyvin et l'archevêque de Besançon, Ferdinand de Rye dirigèrent énergiquement la défense de la cité doloise. Les Français en très large supériorité numérique, disposaient de nombreuses batteries de canons installées sur les hauteurs. "Des tranchées creusées autour de la place, les obusiers français lancent de grosses bombes, d'un modèle nouveau, qui pèsent jusqu'à 250 livres; elles traversent les toits, les planchers, explosent dans les caves avec un bruit terrible, causant l'effondrement des maisons. Les dégâts furent considérables, 10.000 boulets et 500 bombes tombèrent sur la ville.
Les assauts se succèdent. Tous échouent. Les femmes, les moines de Dole, ravitaillent les combattants, réparent les brèches, font le coup de feu à l'occasion. La peste se déclare, un ouragan arrache le clocher de la collégiale, le moral des assiégés ne fléchit pas. "Rendez-vous !" crient les Français au gouverneur. Moins bref que Cambronne à Waterloo, notre homme répond avec flegme : "On verra ça dans un an !". Après 3 mois d'efforts, Condé, découragé, lève le camp. L'archevêque de Besançon, Ferdinand de Rye, co-gouverneur de la Comté, malgré ses 80 ans passés, est venu s'enfermer dans Dole et a été l'âme de la défense. Il se fait porter sur le toit de Notre-Dame, contemple les Français en retraite, remercie Dieu et meurt de plaisir."( in Guide Vert Michelin)
Les pertes françaises s'élevèrent à 5.000 hommes contre "seulement" 800 du côté des assiégés dolois. Il y'eut en plus la peste et la famine qui causèrent des souffrances immenses.
Pendant le siège de Dole, Lacuzon fut chargé de conduire à Bletterans la compagnie de milice de la terre de St-Claude. Le jeune combattant dut vite se faire remarquer car une poignée de comtois se groupèrent autour de lui et sous ses ordres se livrèrent à des coups de main nombreux et violents (on dirait aujourd'hui des opérations de commando, dignes des maquisards de 39-45)
Octobre 1636 : C'est probablement vers cette époque que Lacuzon quitta le capitaine de Lesay qui commandait la milice de St-Claude et décida de mener son propre combat avec quelques volontaires, formant ainsi le premier corps franc. Les premiers compagnons s'attribuaient des sobriquets qui devinrent vite des noms de guerre: Tranche-Montagne, Brise-Bataille, Pille-Muguet, La Vigne, La Jeunesse ( son secrétaire particulier) voir la page sur les combattants comtois.
1637 à 1640 : Durant ces années, Lacuzon se dépensa sans compter, ce fut l'une des périodes les plus atroces que connut la Comté. Dès 1637, 3 armées du roi de France, se ruaient sur la province, le duc de Saxe-Weimar descendait la Saône, le comte de Grancey surgissait du pays de Montbéliard, le duc de Longueville remontait la Bresse. ( voir la page sur les protagonistes des guerres de Franche-Comté)- La famine était générale et fut particulièrement terrible en 1638, la peste noire sévissait également et fauchait les malheureux habitants par milliers. Ce fut le temps d'un immense exode vers l'Italie, la Suisse, la Savoie, la province se vida. Ceux qui ne partaient pas mouraient ou se terraient au fond des bois et des grottes comme des bêtes sauvages et traquées.
Mars 1637 : offensive française sur St-Amour; de Longueville touché par le courage de la comtesse de St-Amour épargnera la ville après la prise de celle-ci.
27 juin 1637 : Lons-le-Saunier est pris d'assaut, pillé et brûlé, le château de Montaigu qui domine la ville, démantelé à coups de canon doit se rendre.
4 octobre 1637 : Bletterans tombe et dans un dernier élan de résistance, les habitants mettent eux-même le feu à leur ville. -Les Français commandés par le duc de Longueville, prennent dans la foulée Montmorot, Courlaoux, Maynal, St-Laurent-la-Roche, Orgelet.
Pendant ce temps, Lacuzon réfugié dans la région de St-Claude avec ses partisans, harcelait l'ennemi, c'est sans doute en 1637 que Lacuzon accomplit son premier exploit "homologué". Un de ses premiers combats victorieux se serait déroulé du côté de la montagne de St-Georges ( mais personne ne sait aujourd'hui où la situer) au sud de St-Claude ou près d'Orgelet. Ce fut à cette époque que son destin allait croiser César du Saix, baron d'Arnans.
Novembre 1637 : Une nuit, vers le 1er novembre 1637, Lacuzon avec quelques-uns de ses meilleurs soldats tenta une opération commando pour reprendre aux français, le château de St-Laurent-la-Roche. Andressot escalada la muraille à mains nues de toute la souplesse de ses 20 ans. Il arriva en haut du rempart et le reste de la troupe put monter facilement grâce aux cordes ou échelles fournies. Pour réussir un tel coup, la trahison était nécessaire, des soldats du château avaient été soudoyés.. Le sieur de Mance qui commandait le château fut fait prisonnier avec tous ses soldats. Le lendemain, les habitants du bourg à leur réveil, constatèrent éberlués que la bannière d'Espagne flottait au faîte du donjon. Désormais, un des châteaux-forts les plus redoutables était retombé entre les mains de Lacuzon lui permettant ainsi de mieux contrôler les incursions de l'ennemi.
1638 : César du Saix, baron d'Arnans remarque la bravoure de Claude Prost, dit Lacuzon et il le fait passer sous ses ordres avec ses hommes. Dès le mois d'août le futur capitaine se vit confier la garde d'un poste stratégique, à Vaux-les-St-Claude. On raconte qu'il leva une troupe de 700 à 800 soldats et paysans avec lesquels il entra en France, se battit vaillamment et ramena une quantité de prisonniers français, de bétail et de butin.( voir l'épisode de Jean Millet).- Les escarmouches étaient fréquentes, à Molinges, on enterra à plusieurs reprises des français et des soldats de Lacuzon.
Vers la fin août 1638, César du Saix donna l'ordre d'un coup de main sur St-Amour, opération audacieuse probablement conduite par Lacuzon; le gouverneur: Monsieur de Gommerans était à la messe, il fut capturé dans l'église même. Les Comtois le rendirent aux français contre une rançon de 200 pistoles
Une autre fois, Lacuzon réunit une troupe de 200 hommes d'infanterie et 20 cavaliers et fit une incursion dans les environs de Louhans attaquant un parti de français très supérieur en nombre. Pendant quatre heures, il se battit avec acharnement et finit par se retirer avec bon nombre de prisonniers.
Les années 1638 et 1639 furent de toutes, les plus tragiques pour la Franche-Comté, car le 19 décembre 1638, le duc de Saxe-Weimar pénétrait dans la province avec ses 6000 cavaliers et 12.000 fantassins, armée suédoise mais en réalité composée d'Allemands pour la majorité.
1639 : siège et prise de St-Claude qui fut pillée et brûlée devant les yeux de Lacuzon qui ne put rien faire devant l'écrasante supériorité numérique.- Dès cette époque, seules quelques places tiennent encore bon: Gray, Salins, Besançon, Dole. Weimar porta le meurtre et l'incendie partout où il passait, du fort Ste-Anne au-dessus de Salins, on voyait " de jour la fumée en bon nombre d'endroits, et de nuit la lueur de plusieurs centaines de villages et d'habitations isolées, brûlant à la fois, et répandant autant de clarté que le soleil."( In Girardot de Nozeroy) - Le duc de Saxe-Weimar meurt le 18 juillet de la peste.
Entre le 14 mai et le 9 août 1639, le baron d'Arnans et Lacuzon, font tomber les châteaux de la montagne, les uns après les autres : fort de la Chaux, Mont-Saugeon ( au-dessus de Crotenay), Vers-en-Montagne, Château-Villain ( au-dessus de Bourg-de-Sirod) et Nozeroy. Lacuzon s'empare du château de Crillat, à l'est de Clairvaux.
Le 24 août, en représailles, de Villeroy détruit le château de Virechatel appartenant au baron d'Arnans et situé sur l'actuelle commune d'Onoz ( région du lac de Vouglans)
7 septembre 1639, Lacuzon fut averti qu'un parti Français se rassemblait du côté des Bouchoux, il se précipita, mais les Français prévenus par leurs "espies" ( espions)se dérobèrent. - N'ayant trouvé personne, il resta avec sa troupe aux Bouchoux et s'en fut dîner chez un ami, on vint l'avertir que plusieurs de ses soldats s'étaient pris de querelle avec des habitants dont certains tiraient sur ses hommes.- Il sortit de table en trombe pour mettre fin à la rixe. - "Pour se défendre lui-même et ses soldats, il fut contraint d'attaquer avec son épée ledit Pierre d'Aloy qui avait son arquebuse bandée et amorcée et avec laquelle il voulait tirer contre lui, ce qui l'occasionna de lui porter une estocade au petit ventre... dont il mourut deux jours après au grand regret dudit remontrant ( le capitaine Lacuzon) "voir aussi la biographie de Lacuzon
Le 19 décembre 1639, le baron d'Arnans dresse une embuscade non loin de Bletterans, tue tous les soldats et ramène 120 beaux boeufs. - En avril 1640, d'Arnans force le château de Charnay à 10 kms au sud-ouest de Bletterans, le 2 mai il prit Grimont mais dut se retirer prestement. Le 21 juin il ravage Cuiseaux et incendie le village de Treffort.
1640 : Avant de quitter définitivement la Comté, César du Saix, baron d'Arnans donne le commandement du château de Montaigu à Lacuzon. Le petit village fortifié de Montaigu situé juste sur les hauteurs de Lons, avait été brûlé par le comte de Guébriant et ses troupes, la forteresse fut prise le 28 juin 1637, démantelée et brûlée. En ce jour du 4 octobre 1640, le baron d'Arnans et ses compagnons contemplent les ruines déjà recouvertes de ronces et décident de les réparer. Il y installa aussitôt Lacuzon qui s'établit dans une vieille masure inhabitée depuis plus de 200 ans. - Il commence à relever les ruines avec l'aide de quelques-uns de ses soldats reconvertis en maçons et terrassiers pour l'occasion. Dès la fin d'octobre 1640, le château fut déjà approché par les troupes à pied et à cheval du comte des Roches-Baritant. On ne sait pas ce qui se passa, mais ces troupes finalement se retirèrent.
Le 20 décembre 1640, ce fut au tour du capitaine de Courval de venir reconnaître le château et il put constater que les murailles avaient été réparées et que la garnison était solidement installée. Les Français tentèrent une attaque nocturne. Un gentilhomme posa un pétard ( déjà à cette époque !) qui explosa et renversa la porte de la forteresse. De Courval ordonna l'assaut mais la garnison comtoise se défendit bien que les Français durent se retirer en laissant 20 morts au tapis dont l'homme au pétard. Ce succès défensif fit grande impression, Lacuzon avait vaincu mais ce fut d'Arnans qui reçut les félicitations du Président Jean Boyvin; le neveu de ce dernier: Claude Andressot avait participé à cette défense, il devait devenir un des plus fidèles et des plus vaillants lieutenants de Lacuzon. Le gouverneur de la Comté, le marquis de St-Martin, félicita également chaleureusement, le défenseur de Montaigu.
13 mai 1641: le même gouverneur décide de retirer 3 compagnies à la petite armée du baron d'Arnans pour en confier le commandement à Lacuzon. César du Saix, baron d'Arnans, dégoûté par tant d'ingratitude, quitta la Franche-Comté presque le lendemain pour ne plus jamais y revenir. Lacuzon devenait désormais un des principaux chefs militaires du camp espagnol opérant sous les ordres directs du commandant suprême de l'armée de la Comté. Il s'installe solidement au château de Montaigu d'où il dispose d'un observatoire de premier ordre pour surveiller la marche des convois et des détachements. De là, il observe, et organise des embuscades. Il livra notamment un combat sérieux sur le mont de Perrigny près de l'église de St-Étienne de Coldre. Une quinzaine d'ennemis furent tués et le village de Coldre fut entièrement brûlé.
Une autre fois, il défit complètement un détachement français sur les bords de la Vallière "et les mena tambour battant depuis le hameau de Vatagna jusqu'au pont de Montmorot". Dès lors, les garnisons françaises renoncèrent à leurs incursions aux alentours de Montaigu.
Peu à peu, les villages complètement abandonnés renaissaient à la vie sous la protection bienfaisante de Lacuzon. Il aida même financièrement des villageois dans le besoin.
Novembre 1641 : Une nuit, vers le 1er novembre 1641, Lacuzon avec quelques-uns de ses meilleurs soldats tenta une opération commando pour reprendre aux français, le château de St-Laurent-la-Roche. Andressot escalada la muraille à mains nues de toute la souplesse de ses 20 ans. Il arriva en haut du rempart et le reste de la troupe put monter facilement grâce aux cordes ou échelles fournies. Pour réussir un tel coup, la trahison était nécessaire, des soldats du château avaient été soudoyés.. Le sieur de Mance qui commandait le château fut fait prisonnier avec tous ses soldats. Le lendemain, les habitants du bourg à leur réveil, constatèrent éberlués que la bannière d'Espagne flottait au faîte du donjon. Certains habitants un peu trop zélés collaborateurs des Français durent s'éloigner précipitamment du village et aller chercher refuge vers la Bresse.
Désormais, un des châteaux-forts les plus redoutables était tombé aux mains des comtois, fermant ainsi le chemin à bon nombre d'incursions ennemies. Les routes se trouvèrent débloquées, rendant à nouveau possible, le ravitaillement en grains de Dole, car ce grain venait de la région de Cressia près d'Orgelet.
Fin 1641: Un jour, sur le pont de Montmorot, il mit en déroute une troupe de cavalerie française commandée par le cruel sieur d'Antérac, gouverneur du château de Bletterans. ( il adorait faire pendre les paysans comtois des environs, mais d'une manière cruelle; en effet, il les faisait pendre les uns par les autres, quand il n'en restait plus qu'un, il commandait de le faire sauter avec un baril de poudre)
Peu après, il mena une expédition en Bresse aux abords de l'abbaye du Miroir ( environ 25 kms au sud-ouest de Lons, entre Cuiseaux et Louhans), chargé de butin, il tomba lui-même avec sa troupe, dans une embuscade aux environs de Maynal ( plus de 400 paysans des villages voisins appuyés par 80 soldats de la milice de Cuiseaux et 40 cavaliers du comte de Courval lui tombèrent dessus) Lacuzon, conscient de l'immense danger qui menaçait sa troupe, à la tête de ses 9 cavaliers chargea les 40 "carabins" de Courval, les bouscula, les dépassa, rejoignit son infanterie, passa à la contre-attaque et dégagea son convoi, laissant 80 cadavres français sur le carreau. Les habitants de Louhans déploraient en novembre 1641, les courses des comtois contre leur ville et ses environs.
Lacuzon livra une série de combats victorieux à Maynal, Beaufort, St-Julien et fit même prisonnier Courtison, frère du sieur de Boulay, gouverneur de Courlaoux.
1642 :dans une lettre datée du 6 février, le baron de Scey donne à Lacuzon une lettre contenant des ordres officiels émanant du roi d'Espagne et lui accordant le commandement et la capitainerie du château de St-Laurent-la-Roche. Lacuzon récupéra l'unique canon de Montaigu pour l'installer à St-Laurent. Vers mars 1642 Lacuzon tenta d'investir Courlaoux mais la tentative échoua, car des femmes ( comtoises mais acquises aux français) donnèrent l'alerte.
Le 9 mars 1642, Lacuzon défit toute la garnison de St-Amour. Vers Pâques, son sergent, La Ramée mena avec une trentaine de soldats et quelques habitants de St-Laurent la Roche, une expédition punitive contre le château de Rosy à Germagnat ( 15 km au sud-est de St-Amour) Ils enfoncèrent à coups de hache les portes de maisons et pillèrent ce qu'ils purent trouver mais il n'y eut aucun blessé.
En ce début de l'année 1642, la guerre faiblissait, des trêves locales étaient conclues ça et là. Cependant, malgré cela, Andressot le 18 mai, pénétra dans le Bugey vers Dortan et revint avec bétail et prisonniers. Le 19 septembre, la cour de Dôle décida d'attaquer le château de Grimont mais le plan échoua et il fallut renoncer. En décembre 1642, Lacuzon attaqua un convoi gardé par une trentaine de soldats vers Bletterans et s'empara de précieuses munitions. C'est à cette occasion qu'il tua son tambour Claude Masson, parti avec son cheval dans un moment crucial.
Lacuzon, modeste bourgeois illettré de St-Claude, était devenu un personnage important et le Président du Parlement de Dole, Jean Boyvin, lui-même, lui écrivait alors dans les termes les plus respectueux et les plus amicaux, terminant sa lettre par : "je suis Monsieur, votre très humble et très affectionné serviteur"
1643 : le 26 mars, Lacuzon occupa le château d'Arlay, en mai 1643 il dressa une embuscade à la garnison du château de Bourcia et tua une partie de la garnison. L'ennemi se lassait aussi, les Français abandonnèrent Grimont.
Lacuzon portait ses coups dans la direction de Cuiseaux d'où étaient parties les années précédentes, de nombreuses picorées. Il menaçait le 18 avril 1643, d'incendier Dommartin et la Gravière s'ils ne payaient pas une certaine somme.
Le 19 mai 1643, c'était la victoire française sur les Espagnols à Rocroi, désormais la guerre se "pourrissait" en une suite d'escarmouches.
Le 3 juin 1643, 2 femmes de Cuiseaux furent tuées, en représailles, le marquis de Villeroy attaqua l'église fortifiée de Cousance, point d'appui des troupes de Lacuzon.
Le 21 septembre une suspension d'armes fut conclue entre les deux Bourgognes. Un certain état d'anarchie s'installa progressivement durant cette période de ni-guerre ni-paix, favorisant l'apparition de bandes de soudards Allemands, Lorrains, Français, Suédois qui mettaient le pays en coupe réglée. Ils torturaient, violaient, tuaient les malheureux villageois pour savoir où était leur argent. On peut juger des atrocités commises à cette époque sur les faits relatés dans l'"Histoire manuscrite des capucins de Franche-Comté", provenant des archives des religieuses Clarisses de Poligny :
" Pour avoir l'argent ou ce qu'ils désiraient de ceux qu'ils pouvaient attraper, ils leur faisaient avaler, même aux prêtres et aux curés, de l'eau chaude, de l'huile, de l'urine, de l'eau de fumiers et des seaux entiers, et après leur sautaient des pieds sur le ventre pour la faire ressortir par la bouche; donnaient le frontail aux uns, qu'ils appelaient le cordon de St-François, jusqu'à leur faire sortir les yeux de la tête; chauffaient la plante des pieds aux autres et les leur grillaient avec les mains; attachaient les autres au crémail ( crémaillère de la cheminée) par les pieds et faisaient de la fumée au-dessous pour les étouffer; descendaient des autres dans des puits jusqu'au cou et les laissaient là; violaient femmes, filles, publiquement et en présence des maris et des pères, abusaient des femmes âgées de 80 ans; voire il y'en eut qui après avoir abusé d'une fille, contraignirent un prisonnier d'en faire de même et comme ils étaient dans l'action, ils les enfilèrent ensemble avec leur épée."
Lacuzon administre les quelques 25 villages qui dépendent de sa châtellenie de St-Laurent, l'argent n'arrivait pratiquement jamais du Parlement de Dole, les caisses du Trésor espagnol étaient souvent vides, il devait donc lever des taxes mensuelles ( avec l'approbation officielle du Parlement ) sur tous les villages dépendant de lui ainsi que des redevances sur certains passages de chariots. Par ailleurs, les habitants étaient souvent requis pour exécuter des travaux. Les villageois payaient ainsi, en quelque sorte la tranquillité retrouvée et la protection assurées par Lacuzon.
Une première trêve avait été conclue avec le Bassigny et le duché de Bourgogne à dater du 21 septembre 1643, cette suspension d'armes fut prorogée jusqu'au 1er mai 1644, cet état précaire dura en fait jusqu'en 1651.Il fallait payer très cher aux français les suspensions d'armes; de plus, ces trêves n'étaient que partiellement observées.
Les soldats étaient mal payés et se rattrapaient sur l'habitant, il y'avait beaucoup de déserteurs qui pillaient, torturaient, violaient et tuaient. Un certain Jean Grand ( de la garnison de Montaigu) sévissait du côté de St-Claude.
Même le brave Andressot ne pouvant se faire payer une créance de 10 pistoles par le conseil de St-Claude, saisit 2 juments, un cheval et 4 vaches pour arriver à ses fins. La colère des villageois accablés de taxes et de corvées finit par éclater.
Fin 1643, le 2 décembre, le Parlement de Dole décide d'enquêter sur les excès reprochés à l'encontre des capitaines Andressot et Lacuzon; mais la stature militaire de Lacuzon et ses bonnes relations avec Jean Boyvin étaient telles que l'affaire fut rapidement classée sans suite.
"En 1643 les opérations militaires cessent mais la Franche-Comté est totalement ruinée. C'est la fin de la "guerre de 10 ans " qui n'a en fait duré que 7 ans. De nombreux habitants se sont expatriés" ; voir à ce propos l'histoire d'Orgelet sur le site : http://www.orgelet.com/ elle permet de bien comprendre la situation des villages comtois de l'époque et celle de leurs malheureux habitants.
1644 : Lacuzon est nommé gouverneur du château d'Arlay. Il se dit lui-même "capitaine de 200 hommes de pied pour sa Majesté et gouverneur des villes et châteaux de St-Laurent de la Roche et d'Arlay".- Il achète le 27 mai 1644 pour la somme de 1900 francs, un important domaine sur le plateau près de Montaigu: la grange de Prelle.
10 juin 1644 : incursion des Français issus des garnisons de Géruge et de Bletterans, près de St-Laurent suivie d'autres picorées le 21 du même mois. Lacuzon s'énerve et menace. Le 24 juillet, le Parlement lui ordonne de remédier aux abus et exactions commis par les Français, il est vraisemblable que Lacuson y mit bon ordre.
Turenne prend Baume-les-Dames, Vesoul et Luxeuil; les picorées bien qu'interdites, ravagent encore les régions frontalières.
1645 : Lacuson se dit que ça risque de sentir un jour le roussi pour lui et décide de demander au Roi Philippe IV d'Espagne, le pardon d'actes qui auraient pu être mis à sa charge et dont voici les principales :
-La querelle avec Jean Millet à St-Amour qui lui devait de l'argent et fut tué par Lacuson, la mort de Jean d'Aloy aux Bouchoux, l'attaque du château de Rosy...
Le 30 septembre 1645, le Roi d'Espagne accorda son pardon à Lacuson mais ce n'était pas fini; Lacuson écrivit à nouveau au Roi pour se faire pardonner l'affaire de l'exécution de son tambour Claude Masson, des deux paysans espions de Boursia, à qui il avait cassé la tête à coups de pistolets ainsi qu'à un autre paysan qui à Courlaoux, avait renseigné les Français sur une embuscade tendue par Lacuson
Le Roi d'Espagne, toujours sur avis favorable du Parlement Dolois, pardonna encore.
1646 : Lacuson achète de nouveaux biens fonciers ( maisons, dîmes, vignes, prés, champs..) pour la somme de 220 pistoles soit 3.300 francs de l'époque, ce qui prouve son aisance financière à ce moment là.
Début 1650 : La Fronde battait son plein en France, les frondeurs vinrent ravager quelques villages comtois mais le danger s'apaisa; les villages renaissaient à la vie: on reconstruisait, on remettait les terres en culture. Lacuson s'employait à gérer tranquillement ses vastes domaines mais il continuait à exiger des contributions et des corvées aux paysans comme en temps de guerre. Cela déclencha des conflits soigneusement attisés par son ennemi de toujours : Marc de Montaigu, seigneur de Boutavant.
Lacuson se fit construire une confortable maison à Montaigu près de l'église, elle existe toujours et elle est voisine de celle où Claude-Joseph Rouget de Lisle passera plus tard son enfance ( Le compositeur de la Marseillaise est né le 10 mai 1760, au 24 de la rue des Arcades à Lons-le-Saunier)
Pour construire sa maison, Lacuson ne trouva rien de mieux que de faire abattre un pan du clocher de l'église et de démolir les murailles fortifiées du bourg ainsi qu'une tour, le tout pour récupérer d'excellents matériaux à bon compte. Cela lui valut un procès en 1663.
1651 : Lacuson s'installe avec toute sa famille dans sa nouvelle demeure.
1659 : Traité des Pyrénées : La France restituait au Roi d'Espagne les territoires comtois qu'elle avait occupés: Bletterans, Courlaoux, Saint-Amour, le château de Joux furent abandonnés par leurs garnisons françaises.
Mauvaise année aussi pour Lacuson qui dut affronter un fort mauvais procès, vers le mois de mars 1659. voir la page : le procès de Lacuson ; il s'en sortira libre, absous par le Parlement et par le sentiment populaire.
Le 2 décembre 1659, après presque un an d'absence, Lacuson revient au château de St-Laurent-la-Roche et le trouve inhabitable, il avait servi de carrière de pierres et le donjon avait été complètement ruiné par un incendie.
1663, les Comtois sentaient confusément le danger de guerre qui revenait.
17 septembre 1665, mort du Roi d'Espagne Philippe IV.
1667 : guerre de Dévolution, première guerre de conquête menée par Louis XIV, de 1667 à 1668, contre l'Espagne. Revendiquant le droit d'héritage de son épouse Marie-Thérèse, Louis XIV envahit les Pays-Bas espagnols, déclenchant ainsi la guerre de Dévolution.
1668: Après avoir minutieusement fait reconnaître la situation sur le terrain par Condé et d'autres négociateurs qui purent estimer le degré de faiblesse des défenses comtoises, Louis XIV savait qu'il pourrait facilement et rapidement envahir la Comté avec seulement 20.000 hommes.
Prenant de vitesse une éventuelle reprise des hostilités, Louis XIV conquit la Franche-Comté, dont il se servit adroitement, lors de la conclusion du traité d'Aix-la-Chapelle (1668), pour se faire reconnaître la possession de Lille, de la Flandre française et d'un certain nombre de forteresses qui marquèrent le début de la réalisation de la stratégie du pré carré.
26 janvier 1668 : les Bisontins apprirent que 26 pièces de canon étaient à Auxerre et qu'elles étaient destinées à l'attaque de Besançon et de Salins. Le Parlement se réunit immédiatement à Dole, le marquis de Yennes, gouverneur de la Province parlait déjà comme un futur vaincu. Plus personne n'y croyait. On décida de lever la milice .Le marquis d'Yennes rentra dans son château à Gray persuadé que le rude hiver jurassien empêcherait une offensive prochaine, il se trompait lourdement.
2 février 1668 : Condé écrivait au Parlement que "Sa Majesté voulant profiter du temps qui lui reste, m'a chargé d'entrer dans la Franche-Comté où elle sera * incontinent en personne" la campagne de 1668 venait de commencer.( * Incontinent signifie en français de l'époque : immédiatement, sur- le- champ)
Partout c'était le désordre le plus complet, militaires et civils étaient désemparés, le peuple ne réagissait plus. A St-Laurent, Lacuson restait impavide, il avait mis en état de défense son château et commandait le 2 février de la poudre ( 100 ou 120 livres) qu'il payerait avec ses propres deniers. Il n'y avait définitivement rien à espérer du piteux marquis de Yennes, ni hommes, ni armes, ni munitions, ni argent. Lacuson avait fini par recevoir 220 livres de poudre et était prêt à vendre chèrement sa place forte.
Les Français s'étaient déjà emparés de Bletterans, le 3 février l'offensive française s'était développée : Condé avait pris Rochefort puis Pesmes et Marmay. Lons était menacé par le marquis de Noisy mais renonça à attaquer Montaigu. Poligny tomba sans un coup de feu. Le 5 février, le marquis de Yennes avait fui Dole pour s'enfermer au fort de Joux. Le général fuyait avant la 1ère bataille.
6 février 1668, le duc de Luxembourg investit Salins avec très peu de troupes, le baron de Chevroz gouverneur de la place, capitula honteusement le 7 février. Condé préparait son entrée triomphale dans Besançon conquise la veille sans se battre.
Pendant ce temps-là, Lacuson commence à recruter des soldats dans le pays de St-Claude, arrivant même à regrouper 40 mousquetaires, 300 fantassins et 10 cavaliers. En route, il apprit la chute du château de Sainte-Anne à 2 lieues de Salins.
Le 9 février1668, Lacuson reçoit par une lettre, l'ordre du Parlement, de venir immédiatement avec ses soldats pour défendre Dole, mais il était déjà bien trop tard; au même moment, Louis XIV et Condé se rejoignaient devant Dole. Dole se défendit courageusement avec ses pauvres moyens, on était bien loin de l'héroïque défense lors du siège de 1636. Les vieux canons causèrent cependant pas mal de dégâts parmi les rangs français. Le 12 février, au bout de 3 jours seulement, la capitulation fut votée au grand soulagement de la majorité des membres du Parlement ( sauf Claude Boyvin -fils de Jean Boyvin- et Gollut, )
13 février 1668, Lacuson et sa troupe arrivent à Sellières, ils se retrouvent tout près des soldats de Condé et préférant éviter un affrontement suicidaire, ils reprennent le chemin de Montaigu. Le 15, Lacuson est à St-Laurent déterminé à défendre son château malgré tout. - Lons-le-Saunier venait de tomber, livré contre une somme d'argent, par son propre gouverneur, le traître Marc de Montaigu, seigneur de Boutavant.
Siège de Dole en 1668 par Frans Van der Meulen - Dole, Musée des Beaux-arts
Au même moment, Louis XIV entrait triomphalement dans Besançon et se faisait remettre les clefs de la ville par le Mayeur Bacquet. Le 15 février, il établissait son camp aux environs de Gray, le 17 février, deux personnages venaient chercher le prix de leur lâcheté ou de leur trahison : le marquis d'Yennes et dom Juan de Watteville, accourus pour faciliter au vainqueur la prise de la dernière place forte de Franche-Comté. Gray se rendit le 19.
La campagne pouvait être considérée comme terminée, seules quelques forteresses de la montagne tenaient encore: celle de St-Laurent-la-Roche était, on s'en doute bien, la plus considérable. Les Français eux-même étaient conscients de son importance stratégique et l'avaient soigneusement évitée. Van der Meulen, le peintre des batailles de Louis XIV a fait 2 tableaux représentant le site de St-Laurent.( je donnerais cher pour les avoir en photos :-o )
Le 21 février 1668, Lacuson bien seul, s'était fait encore livrer 170 livres de poudre mais c'était trop tard, la messe était dite. Plus personne ne voulait se battre. Le Parlement de Dole était désormais entièrement aux ordres de l'occupant français. Les fleurs de lys parsemèrent la ville.
Lacuson devenait même gênant par son patriotisme jugé hors de saison et la cour lui ordonna vertement de remettre la place de St-Laurent au comte de Gadagne, lieutenant-général des armées de sa majesté, le Roi Louis XIV. Le capitaine comtois aurait pour peu, passé pour un terroriste.
C'était la fin. Lacuson, abandonné de tous, renié par ceux qui, deux semaines auparavant le suppliaient de se battre, quitta pour la dernière fois son château de St-Laurent; il ne devait plus le revoir que démantelé (sur ordre du marquis Français de Noisy et avec le soutien zélé de l'infâme Marc de Montaigu, seigneur de Boutavant, l'ennemi juré de Lacuson, la démolition commença dès le 25 février).
Le capitaine dépité, se retira à St-Claude. Le comte de Laubépin lui demanda par courrier, de se rendre au Parlement pour y faire sa soumission à la France et prêter serment, ce qu'il fit à contrecoeur tout comme un autre grand patriote, Jules Chifflet, abbé de Balerne. Lacuson dut passer dans les premiers. Il avait alors environ 61 ans.
2 mai 1668, la Franche-Comté retourne à l'Espagne suite au traité d'Aix-la-Chapelle, les troupes françaises se retirent après le 29 mai, lorsque cette signature fut officialisée. Dès que les occupants furent partis, le peuple se révolta contre ceux qu'il accusait de l'avoir trahi. Le peuple de Dole se rua sur les maisons de ceux qui avaient trop bien reçu les Français ( en 1945, on aurait traité ces derniers de "collabos"! ) Il y'eut des émeutes à Gray, Besançon, Salins.
L' Espagne désigna un Flamand, le Prince d'Aremberg comme gouverneur de la Comté en remplacement du marquis d'Yennes, réfugié en France. Il essaya de réorganiser tout le système défensif de la province qu'il divisa en 17 cantons.
9 janvier 1669, le prince d'Aremberg place Lacuson à la tête d'un de ces cantons comprenant le bailliage de Lons-le-Saunier Château-Chalon, Voiteur et s'étendant en Bresse jusqu'à Rahon, .... Lacuson était le seul qui n'était pas noble parmi ceux qui furent choisis, ce qui montre dans quelle haute estime, il était tenu. Les échevins de Lons, de leur côté, offrirent une pièce de canon au capitaine pour témoigner de leur reconnaissance.
Janvier 1669, les bruits de bottes se font entendre à nouveau, rumeurs, fausses alertes, désinformation jettent le trouble chez les Comtois. Le maréchal de Créqui envahit la Lorraine.
1670 : à la fin de l'année, les Français vinrent menacer sous les murailles de Gray ( Haute-Saône)
juillet 1671 : L'Espagnol Don Geronimo Quiñones remplace le prince d'Aremberg comme gouverneur de la Comté. La situation intérieure va alors s'aggraver, les paysans accablés, les villes et les communautés refusent de payer les impôts ou de livrer les subsides. On dut envoyer les soldats et user de la violence. Des soldats qui ne recevaient plus de solde, se répandirent dans le pays, pillant partout où ils passaient.
1672 : Les Français continuent leurs harcèlements, Lacuson s'occupait activement à enrôler des soldats dans ses compagnies. Il mit des détachements à St-Laurent, Bletterans et une garnison à Courlaoux. Pendant ce temps là, la révolte couve chez certains nobles comtois dont le marquis de Listenois.
1673 : février 1673, le marquis de Listenois tente un complot pour éliminer Quiñones et prendre le pouvoir, mais il échoue et doit se sauver. Il pousse alors le peuple à la rébellion contre le pouvoir Espagnol.
Don Quiñones donna l'ordre au colonel Massiette, commandant de la place de Gray, de se mettre en liaison avec Lacuson puis de charger des rebelles. Un jour les "espies" ( espions de l'époque) prévinrent Lacuson que de Listenois était sorti de Lons et qu'il avait jonction avec des Bressans. Le colonel Massiette et Lacuson se retrouvèrent au village de St-Lothain perché sur un coteau, à quelques kms au sud-ouest de Poligny. Le marquis et sa suite dînaient tranquillement, ses troupes sans méfiance occupaient le paisible village. Soudain une double attaque les surprit.
Massiette arrivait par le haut du bourg, Lacuson par le bas. Le marquis et sa suite prirent la fuite avec tant de précipitation que certains n'eurent même pas le temps de chausser leurs bottes. Pendant ce temps là, ses troupes étaient décimées par les Comtois. Lacuson était un homme chanceux, il essuya paraît-il, de nombreux coups de fusil et de pistolets dont aucun ne l'atteignit.
"Lacuson saisit la colline, et avec des cris furieux, traitant le sabre à la main, les dragons qui étaient là, reposant au soleil, et environ 80 paysans, de traîtres et de rebelles à leur roi, il en tua une vingtaine, et fit le reste prisonnier sans beaucoup de résistance parce qu'ils furent surpris, et même de pauvres vignerons qui travaillaient à leurs vignes furent tués aussi bien que d'autres, sans merci.."( In Chifflet)- Ces regrettables exactions provoquèrent chez les villageois beaucoup de haine envers Lacuson. Jeanne, la fille du capitaine, mariée à Pierre de Mongenet fut même agressée par des femmes à Dole.
Le marquis de Listenois et ses compagnons vaincus, se réfugièrent au château de la Chaux-des-Crotenay puis passa en mars 1673 chez les Français.
13 mars 1673 : Le capitaine Balland ( gendre de Lacuson) est nommé commandant du château de Ste-Anne ( au nord-est de Salins)
26 avril 1673, Don Francisco Gonzalès d'Alveda ( 80 ans !! ) remplace Quiñones comme gouverneur de la Comté. Pendant ce temps là, Lacuson était au sommet de sa puissance.
Octobre 1673, la guerre se précise, Lacuson rencontre d'Alveda à Besançon. On rentre alors dans une phase de "drôle de guerre", une inaction énervante. Lacuson renforce partout les défenses et fait remonter les fortifications de Lons-le-Saunier. En même temps, il reçut l'ordre de démolir le château de Présilly au nord d'Orgelet.
20 novembre 1673 : Louis XIV attendait un prétexte pour envahir la Comté; Les Espagnols stupidement leur donnèrent en décidant sur les ordres du comte de Monterey de lancer une expédition contre les Français. Une expédition fut montée le 20 novembre 1673 par le colonel Massiette et ce fut un insuccès complet; les Comtois tombèrent dans une embuscade et perdirent 2 officiers et une vingtaine de soldats. De plus, cela provoqua des représailles de la part des Français. Ils brûlèrent des maisons à Montmorot et Courlans, des incursions furent faites du côté de Dole, Saint-Aubin, Champdivers, Tavaux et Monnière.
Décembre 1673 : Lacuson doit céder le commandement de la place de Lons au baron de Chastenois, déjà les Français se pointaient sous les murailles de la ville sous les ordres du comte d'Apremont. Les Comtois firent ronfler leurs 2 canons et poursuivirent les Français. Pendant tout le mois de décembre, ce fut une guerre d'escarmouches.
1674 : début mars 1674, Le duc de Navailles commandant de l'armée française, rentre à Lons-le-Saunier dont Lacuson et ses troupes s'étaient retirés quelques jours avant pour aller défendre Salins qui devait devenir le centre de la défense espagnole.
27 mars 1674 : Lacuson après une succession d'ordres et de contre-ordres se poste dans la tour de Montrond ( au nord-ouest de Champagnole) pour pouvoir surveiller les mouvements de l'ennemi. Pendant ce temps là, le comte d'Apremont poursuit sa marche en avant, il brûle Montaigu, occupe Revigny, Orgelet et se dirige sur Salins. Le 24 mars, Poligny se rend sans combattre, le 27, il attaque Arbois avec 500 cavaliers, 300 fantassins et un canon, les Arboisiens se défendirent avec une telle énergie que le 31 mars les Français se retirèrent.
12 avril 1674 : A la demande des échevins de St-Claude qui supplient Lacuson de venir dans leur ville pour la protéger, celui-ci arrive avec sa petite compagnie d'environ 34 personnes. Lacuson cantonna d'abord à St-Claude puis à Moirans et enfin à Lavans- les-St-Claude entre les 2 autres villes. Il est averti le 20 avril 1674 que les Français ont brûlé Orgelet.
26 avril 1674 : Lacuson repart pour Salins pour sa dernière bataille sur le sol comtois, il a alors environ 67 ans.
Le commandement espagnol a toujours été dépassé par les évènements et dominé par son puissant adversaire, il avait été "baladé" d'ordres en contre-ordres, Lacuson d'un bout à l'autre du Bailliage sans savoir tirer profit de son énergie et de ses compétences; le vieux guerrier dut plus d'une fois maudire l'impéritie stupide des Espagnols. Fin avril, Lorsque Lacuson arriva à Salins, il apprit que Besançon était sous la menace française.
mai 1674 : La guerre allait entrer dans sa phase définitive: 60.000 soldats Français avaient encerclé la province et commençaient à l'envahir. Besançon capitula le 15 mai et la citadelle le 21 après une défense héroïque. Louis XIV fit son entrée dans la vieille cité impériale. L'armée française dirigée par le duc de Luxembourg se dirigea alors vers Salins, détruisant au passage les blés mûrissants selon la vieille méthode de Richelieu. Le 31mai, les Français arrivaient à Vers-en-Montagne (au nord de Champagnole) et ravagèrent les campagnes.
4 juin 1674, 8 heures du matin : les Français arrivent à Salins, le canon se mit aussitôt à tonner. A l'intérieur des remparts, de braves soldats, l'élite de la province, allaient soutenir l'honneur comtois. Pontamougeard le gouverneur de la place, les capitaines Pourtier, Gabriel Coillot, Floris de Cécile et bien sûr notre brave capitaine Lacuson étaient décidés à défendre la cité avec acharnement.
Le 7 juin, après une violente canonnade, les assiégés firent une sortie qui se termina à leur avantage, faisant reculer quelque peu les Français vers Lemuy, Vers et la Chaux sur Champagny. Cependant, la partie était perdue pour la Comté, Après Gray et Besançon, Dole venait de tomber à son tour. Louis XIV impatient d'achever sa conquête, attendait à la Loye, en forêt de Chaux près de Dole avec toute sa cour.
12 juin 1674 : une pluie de boulets de 25 livres s'abat pendant 36 heures sur les forts de St-André et de Bracon, sur les hauteurs de Salins. La ville tenait stoïquement sous le déluge de feu; le 15 au soir après la chute des palissades du fort de Champ Reffond, et la prise de la redoute de la Croix Beschet, l'attaque française commença sur le fort Saint-André. On ne sait quel poste occupait Lacuson à ce moment là mais on est certain qu'il participa activement à la défense ( malgré son âge : 67 ans !!)
19 juin 1674 : Floris de Cécile s'était fait tuer les armes à la main, plutôt que de rendre le fort de la Ratte.
20 juin 1674 : Le fort St-André est en feu, les Français avaient pratiqué des fourneaux de mine sous les bastions, tout explosait; la garnison comtoise dut se retirer dans le désordre, après plusieurs attaques repoussées courageusement par les comtois, les Français enfoncèrent les défenses extérieures de Salins. Il fut décidé de capituler mais des Comtois furieux de ce qu'ils jugeaient comme une lâche transaction, continuaient à tirer au canon depuis les tours de Cicon et du fort Belin. Il s'agissait évidemment de l'indomptable capitaine Lacuson et l'autre était le capitaine Pourtier commandant le fort Belin.
Après bien des pourparlers, les canons se turent enfin, c'était la fin. La dernière ville de Comté était tombée avec les honneurs. Quelques châteaux tenaient encore dont celui de Joux où commandait Andressot et Saint-Anne dirigé par Claude Balland. Le brave Andressot abandonné par le lâche gouverneur d'Alveda qui s'était enfui en Suisse avec l'argent des troupes comtoises, dut capituler
8 juillet 1674 : Sainte-Anne tient toujours et cause des pertes aux Français, le 10 juillet le dernier coup de la campagne fut tiré du fort, Claude Balland accompagné de son fils aîné, se rendait au duc de Duras. La famille Balland se rallia quelques années plus tard à Louis XIV. Lacuson protégé par les termes de la capitulation, ne fut pas inquiété et put rentrer tranquillement chez lui.
Gardant le souvenir de cette journée de 1668 où il avait du prêter serment au vainqueur, Lacuson avait décidé qu'il n'accepterait plus jamais une pareille humiliation. Il préféra quitter sa chère patrie comtoise désormais française et s'exiler en Italie, à Milan où flottait encore la bannière d'Espagne à qui il avait gardé une éternelle fidélité. Là-bas, il continuera le combat notamment en Sicile.
La Franche-Comté devenait définitivement française et cette appartenance fut entérinée par le traité de Nimègue.
21 décembre 1681 : Lacuson mena à 74 ans, son dernier combat contre la mort, à Milan, en Italie, entouré de ses chers vieux camarades d'exil. On ne sait pas où il fut enterré.
Sur cette période d'exil en pays milanais, on ne sait pas grand chose mais Juan L. Sánchez, un universitaire de Madrid, m'a communiqué en juillet 2003, ces éléments historiques fort intéressants et peu connus: on y parle de Terce, un terme militaire de l'époque qui mérite une petite explication :
"Comme dans les autres territoires de la couronne d'Espagne, l'infanterie comprenait des terces espagnols, italiens, milanais et napolitains, tous sujets du Roy d'Espagne et des régiments d'infanterie étrangère d'origine allemande, grisonne et suisse.
Les terces d'infanterie espagnole avaient
généralement une force comprise entre 500-600
et 1.000 hommes, divisés en compagnies de 50 hommes
en moyenne.
Après 1685 on introduit des compagnies de grenadiers
dans l'infanterie" ( http://vial.jean.free.fr/new_npi/revues_npi/19_2001/npi_1901/19_milan_041093.htm )
Lacuzon continua à fournir ses services aux Milanais, toujours comme capitaine d'infanterie bourguignon, d'abord au Terce de Grammont, puis au Terce du Marquis d'Usier, créé à Milan en l'an 1675. Son compagnon, César Morel, passa en Sicile pour continuer la lutte, en formant une partie d'un nouveau Terce (Guillaume Cécile),mais je crois que Lacuzon resta à Milan.
Au contraire de Lacuzon, Ignace Guillaume Pontamougeard passa en Flandre, où il servait encore, le vieux Terce de Bourgogne ( créé il y'a plus d'un siècle)
Précisément, ce Pontamougeard aurait été le dernier Maître de camp du Terce, qui fut dissout en l'an 1684. Il avait pris le commandement en succédant à Henri Trébart.
C'est avec un très grand sentiment que le gouverneur général du Pays-Bas écrivait à la Cour que: "No tiene cada compañía (del tercio) ni 20 soldados y todas 150, inclusos 29 reformados. No se puede reclutar por hallarse la Provincia en poder de los franceses. Se propone reformarlo y conceder alguna merced a su maestre de campo por su buena sangre y largos servicios". Traduction approximative : Il n'y a plus dans chaque compagnie (du terce) que 20 soldats et au total 150 dont 29 réformés. On ne peut plus recruter pour aller se battre dans la Province ( La Franche-Comté) au pouvoir des français . Il se propose de le réformer ( le dissoudre) et d'accorder une grâce à son maître de camp pour son courage et ses longs états de services
Entre ces deux capitaines nous trouvons César Morel (an autre grand soldat bourguignon), Sage, Roy, Renty, etc. Dans ce Vieux Terce avait aussi exercé Jean-Claude de Bressey qui avait d'abord servi au Terce du Baron du Gye (Joachim Alexandre Marnie du Gye). Il était dans cette compagnie qui fut transmise par Antoine de Mersan au comte de Saint Amour auquel succéda le maître de camp Henri Richart. Mais en l'an 1676, Bressey reçut le commandement d'un terce d'infanterie wallonne avec lequel il fit des merveilles. Sans doute, il fut l'un des meilleurs soldats de Bourgogne au service de Charles II d'Espagne. "
1659 : Traité des Pyrénées : traité de paix entre la France et l'Espagne, qui mit fin à 24 ans de guerre, après la bataille des Dunes (entre Dunkerque et Nieuport), remportée en 1658 par les Français menés par Turenne, sur les Espagnols conduits par Louis II de Bourbon, prince de Condé. Le traité fut signé le 7 novembre 1659 dans l'île des Faisans, près d'Hendaye, par Mazarin pour la France et par don Luis de Haro pour l'Espagne. Louis XIV épousait l'infante Marie-Thérèse. La France restituait au Roi d'Espagne les territoires comtois qu'elle avait occupés: Bletterans, Courlaoux, Saint-Amour, le château de Joux furent abandonnés par leurs garnisons françaises.
1667 : guerre de Dévolution : première guerre de conquête menée par Louis XIV, de 1667 à 1668, contre l'Espagne.
Avant d'épouser le roi de France en 1660, Marie-Thérèse, la fille de Philippe IV d'Espagne, avait renoncé à ses droits sur toutes les possessions espagnoles en échange d'une dot de 500 000 écus, qui ne fut jamais payée. La guerre fut déclarée en 1667 par Louis XIV qui réclamait les Pays-Bas et la Franche-Comté espagnols. Son exigence s'appuyait sur une loi de droit privé (et non public) du duché de Brabant, prévoyant la "dévolution " (ou transfert) des propriétés aux héritiers nés du premier mariage. Dans le cas des possessions de Philippe IV, mort en 1665, c'est Marie-Thérèse et non son demi-frère, le futur roi d'Espagne Charles II, qui devait donc en hériter.
Du 10 au 19 février 1667, l'armée de Condé envahit la Franche-Comté sans rencontrer d'opposition de la part des Espagnols. De mai à septembre, après une succession de sièges, les Flandres furent conquises par les armées de Turenne, jusqu'à Alost (Charleroi, Tournai, Douai, Courtrai et Lille).
Les rapides victoires françaises, ( prise de Lille, août 1667 ), déterminèrent la formation, entre l'Angleterre, la Hollande et la Suède, de la Triple-Alliance, destinée à contrer la France.
Traités d'Aix la Chapelle : nom de deux traités signés dans la ville d'Aix-la-Chapelle. Le premier traité, signé le 2 mai 1668, sous la pression de la Triple-Alliance, mit un terme à la guerre de Dévolution (1667-1668), le premier conflit opposant Louis XIV et l'Espagne pour la possession des Pays-Bas espagnols. Le traité rendit la Franche-Comté à l'Espagne et donna à la France douze villes conquises depuis 1667 sur sa frontière nord, dans le Hainaut et en Flandre (dont Lille).
Aix-la-Chapelle : (en allemand, Aachen), ville de l'ouest de la République fédérale d'Allemagne, dans le Land de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, près de la frontière belge et néerlandaise.
Adam Frans van der Meulen : peintre paysagiste d'origine flamande né en 1632 à Bruxelles, mort à Paris en 1690. Il est appelé en 1664 au service du Roi Louis XIV : le suivant dans de nombreuses campagnes militaires, il réalise la série des "Conquêtes du Roi", suite de quatorze compositions destinées au décor du château de Marly. La plus grande partie de ces toiles est conservée au Louvre. Ce tableau illustre un genre crée par van der Meulen lui-même: la peinture de conquête.
"L'événement, narré en plein hiver, est le siège de la ville de Dole, alors capitale de la Comté, lors de la première conquête de Louis XIV. Le Roi arrivé le 10 février, obtiendra en quatre jours la capitulation des habitants, qui avaient vaillamment repoussé l'armée du prince de Condé l'été précédent. Les deux chefs de guerre sont représentés au premier plan: le Roi, drapé dans un manteau bleu pâle, monté sur un cheval pommelé, en pleine lumière, donne un ordre à un sergent d'infanterie. Il est accompagné de trois cavaliers, dont le Prince de Condé (bonnet de fourrure ?), alors Duc d'Enghien et le Duc de Roquelaure. Au second plan, sur un talus en contrebas, le galop des soldats dont le vent soulève les manteaux contraste avec ce groupe figé dans une pose qui confirme sa fonction de portraits en pied, et avec la lente descente amorcée par les gens d'armes, à droite du tableau.
Les rayons du soleil éclairent par strates successives la plaine à l’arrière plan. A l'horizon, la ville de Dole, baignée dans la lumière et les brumes matinales, est parfaitement circonscrite dans ses murs et dans ce vaste panoramique. C'est toute la sensibilité du paysagiste qui s'exprime là, plus sûrement que le peintre d’histoire: van der Meulen évoque avec éloquence une froide journée d'hiver : l'arbre dénudé et givré, les lourds nuages qui annoncent la neige, les bourrasques de vent." ( source site Internet du Musée des Beaux-Arts de Dole -Jura-)
Traités de Nimègue (1678-1679) : La guerre de Hollande se solda par les traités de Nimègue (1678-1679), qui entérinaient le gain de la Franche-Comté, permettaient de combler les dernières brèches sur la frontière septentrionale et maintenaient le statu quo sur la Lorraine, désormais occupée.
En fait, dès 1676, les pourparlers de paix avaient commencé; la paix fut signée à Nimègue en août 1678, puis à Saint-Germain et Fontainebleau en novembre 1679, entérinant la victoire française : Louis XIV restituait les villes prises aux Provinces-Unies, mais la frontière du Nord-Est était sérieusement rectifiée, rendant possible l'édification par Vauban de la "ceinture de fer" ; l'annexion des Trois-Évêchés était confirmée "avec toutes leurs dépendances", ce qui permit ensuite la politique des réunions; enfin et surtout, la Franche-Comté était définitivement réunie au royaume.
Cette victoire de Louis XIV marqua sans doute l'apogée de son règne, tant sa puissance paraissait reconnue non seulement en Europe
Sources : Robert Fonville :" Lacuzon, héros de l'indépendance Franc-Comtoise au XVIIème siècle" paru en 1955 - Louis Lautrey : "Vie du capitaine La Cuson". Paris 1913 - Librairie ancienne H. Champion.- Musée de Dole (Jura) - Guide Vert Michelin du Jura édition 1985
© Roland Le Corff page créée le 14/10/2002 - version du 10/03/2021