Les CS 35 font partie de cette classe de trolleybus de petit gabarit destinés à desservir les petites villes aux rues étroites; plus tard ils seront remplacés par les CB 40, CB 45 ou CS 45 et les VDB apparus après la guerre. Les CS 35 sont directement dérivés du CS 60 mais ils ne mesurent en effet que 8,16 m de long hors-tout par 2,15 m de large (contre 2,45 m pour le CS 60) , ils sont plus légers et dotés d'un moteur de 75 CV au lieu de 100 CV.. Leur capacité totale était de 35/40 places environ. Ils furent construits à très peu d'exemplaires compte-tenu de leur très faible capacité en voyageurs( voir aussi la fiche technique sur les CB 40 et les VDB)
La première génération de CS 35 : "au carré " avec sa caisse tout à fait parallélépipédique et anguleuse apparaît le 25 juin 1934 à Rouen, ville pionnière du trolleybus; ce véhicule a la particularité unique d'avoir une plate-forme arrière ouverte un peu comme les bus parisiens (pourtant le climat normand ne se prêtait pas trop à ce genre d'exposition au plein air) .
5 exemplaires furent acquis au total de 1934 à 1937. Exactement à la même époque, le 28 juin 1934, cinq CS 35 seront également mis en service à Alger pour le compte des TA (les Tramways Algériens) sur la ligne H de Notre-Dame d'Afrique . Ils assurèrent un service de qualité pendant 30 ans sans subir de transformations notables si ce n'est l'adoption de perches à déclenchement et l'apparition de la découpe de peinture en V sur la face avant, qu'on appelle aussi "moustaches" (très caractéristiques des Vétra). Un peu plus tard en 1937, ce fut le tour de Tunis de recevoir ses premiers véhicules Vétra. Dès 1937, deux CS 45 très proches des CS 35 rentreront en service sur le réseau de Tunis (info Henri Martin)
Ce véhicule apparaît souvent sur différents sites (notamment le site internet de l'AMTUIR) et publications y compris dans le dernier livre de Georges Muller, sous l'appellation de CS 55 mais il semble que ce soit une erreur manifeste (voir explication plus bas) La capacité du véhicule était d'ailleurs de 40 places au maximum ( 14 assises et 26 debout) plus proche de 35 que de 55 et donc nous en resterons pour notre part à la dénomination de CS 35, suivant en cela les avis éclairés de Jean Capolini et de Joël Darmagnac.
Vétra conçoit en 1939 un prototype à la forme modernisée et aux lignes aérodynamiques que l'on voit sur ces 6 photos (sous le N°21); il est destiné à remplacer la première série des CS 35 "carrés" aux lignes obsolètes. Ce protype resté unique, est le premier trolleybus construit à Limoges dans les ateliers de la CTEL à Limoges par la Satramo. il reprend à peu près les mêmes cotes que ceux des anciens CS 35 aux formes carrées ( Alger, Rouen...)
Le prototype a été construit sur des organes mécaniques Renault fournis par SCEMIA tandis que les 6 autres (sous l'appellation de CB-40) seront réalisés par Vétra dans les ateliers de la CTEL à Limoges, avec une partie mécanique Berliet toujours pour le compte de la CTP, le réseau de Poitiers. Cependant les CB 40 seront équipés d'un pont arrière du type Berliet FPFV et non d'un type Renault-SCEMIA PY comme celui équipant le prototype et qui était beaucoup trop large pour le gabarit réduit du véhicule (2,15 m), à tel point que les roues arrière dépassaient assez largement l'alignement de la caisse (on le voit nettement sur la photo ci-dessous).
En effet, il n'avait pas été possible techniquement de réduire la largeur du pont Renault ( l'autobus PY est donné pour une largeur de caisse de 2,38 m) or pour la caisse de 2,15 m du CS 35, on se retrouve avec 23 cm de trop ce qui entraîne de facto un débord de 11,5 cm de chaque côté. Heureusement, les ailes arrière très enveloppantes masquaient relativement bien ce "petit défaut" par contre il paraît que les pneus n'appréciaient guère ce genre de géométrie peu orthodoxe et s'usaient anormalement. Plus tard mais je ne sais pas quand, le pont Renault fut échangé contre un Berliet mieux adapté et c'est celui que l'on voit sur toutes les dernières photos. Le résultat est nettement plus esthétique et moins éprouvant pour les pneumatiques.
Photo coll. Christian Py dans Charge Utile N°102 - Le prototype du CS 35 sera présenté à la presse locale en août 1939 dans les emprises de la CTEL à Limoges. Remarquer la découpe de peinture très élégante, dite "moustache" à l'avant et "en queue de pie" à l'arrière du véhicule.Le pont arrière Renault trop large pour ce véhicule fait déborder les roues. |
Le N° 21 fut livré à la CTP (Compagnie des Tramways de Poitiers) au dépôt de la Souche en novembre 1939 mais pas sur un plateau derrière un camion comme on pourrait l'imaginer de nos jours. En effet il rallia Poitiers par ses propres moyens et en l'absence de bifilaires, ce fut à l'aide d'une remorque suiveuse chargée d'un groupe électrogène qui alimenta le trolleybus en énergie électrique avec la puissance nécessaire pour le faire rouler et l'amener à bon port, plus de 130 kms plus loin. Arrivé dans son nouveau fief poitevin, il ne fut pas en mesure de circuler immédiatement comme cela est expliqué ci-dessous et dut être remisé bien à l'abri pendant 4 ans dans le dépôt jusqu'à sa courte mise en service en été 1943.
En effet, la CTP avait engagé des travaux pour construire la première ligne de trolleybus entre la Gare et la Place d'Armes mais l'ouverture de cette liaison initialement prévue pour le début de l'année 1940 fut différée jusqu'en août 1943 pour cause de pénurie de matériels dûe à la guerre et à l'occupation allemande. Le CS 35 N° 21 ne pourra inaugurer la ligne de la Gare que le 9 août 1943 assisté par deux CB 40. Le CS 35 N°21 sera rapidement confisqué par les Allemands en cette même année 1943 et il se retrouvera à Siegen (ville située à 92 kms à l'Est de Cologne) en 1944; miraculeusement épargné par la guerre, il finira par rejoindre Poitiers en mai 1946. Il sera réformé Le 4 mars 1965 suite à la suppression du réseau de trolleybus et finira par rejoindre le musée de l'AMTUIR alors situé à Malakoff, le 28 janvier 1969 pour y être préservé (voir les 3 photos de Jean-Henri Manara ci-dessous)
Pourquoi Limoges ? C'est au début de 1939 (mais avant le début de la 2ème guerre mondiale) et plutôt que de mettre lau chômage les employés des ateliers d'entretien que la Compagnie des Tramways Électriques de Limoges (CTEL) propose de louer sa capacité de production à la SATRAMO (Société Anonyme le Tramway Moderne) pionnier en France de la caisse-poutre (inventée aux USA) utilisée d'abord pour les tramways puis pour les trolleybus. En 1937, la SATRAMO devient une filiale à part entière de Vétra. De la sorte, la CTEL est à la fois et pour la même commande, le client et le sous-traitant de Vétra. Des commandes pour d'autres réseaux seront traitées par les ateliers de Limoges notamment 5 trolleybus CS 60 pour Bilbao en Espagne, mis en service en 1940.
Les liens entre Vétra et Limoges ne seront pas limités à la sous-traitance de la SATRAMO; lorsque l'état-major de la société Vétra (basée à Paris et sa région) et de la société Trindel (actionnaire de la CTEL) doit fuir la zone occupée, il trouve refuge provisoirement dans les locaux de la CTEL impasse du Clos-Moreau avant de s'installer jusqu'à la Libération au N° 57 de la rue Pétiniaud-Beaupeyrat.
Photos ci-dessous : Le CS 35 N° 21 (bizarrement appelé CS 55 sur le site Internet de l'AMTUIR) est entré au Musée le 28 janvier 1969, offert par la Compagnie des Transports Poitevins. Que ce soit à Saint-Mandé (je l'ai vu en mai 1994) ou à Chelles (dixit Jean Capolini), le trolleybus N° 21 de Poitiers a toujours été étiquetté CS 35 et non CS 55.
Christian Buisson, nous en donne une explication : Vers 1963-1964, il avait recopié un état du parc de Poitiers communiqué par le regretté Jean-Bernard Prudhommeaux (†), alors vice-président de l'AMTUIR. C'était un document original émanant de la CTP dans lequel le trolleybus N° 21 figurait bien comme "CS 55" et désigné comme "Prototype Satramo". Cette erreur vient donc bien du document de l'exploitant. Voici ci-dessous un extrait des données du tableau pour la partie N° 21. Cette erreur s'est trouvée reportée d'années en années et elle figure malheureusement dans le livre de Georges Muller.
Numéro |
Nombre |
Date de construction |
Date mise en service |
Type |
Organes mécaniques |
Carrosserie |
Equipement électrique |
Lg |
Larg |
Poids (t) |
Roues |
21 |
1 |
mars 1940 |
10 août 1943 |
CS 55 |
Renault |
- |
Vétra |
- |
- |
- |
Artillerie |
En examinant le tableau, on peut également relever quelques différences avec les données du texte plus haut :
Longueur hors pare-chocs / Longueur hors-tout | 7,97 m / 8,16 m |
Largeur caisse seule | 2,150 m |
Hauteur | 2,650 m |
Nombre de places assises / debout / | 14 /26 |
Nombre de places total | 40 |
Poids à vide | 7, 000 tonnes |
Portes en disposition 2-4-0 |
1 porte pliante simple à 2 vantaux à l'arrière, 1 porte pliante double à 4 vantaux à l'avant , située à gauche de l'essieu avant |
Moteur | Alsthom TA 505 D de 75 Cv |
alimentation électrique |
550 V |
Organes mécaniques |
Renault-SCEMIA issus de l'autobus Renault PY |
Carrosserie | CTEL Limoges sur plans Vétra -SATRAMO |
Remerciements : j'adresse tout particulièrement mes remerciements à Jean Capolini pour sa relecture attentive.
Photos : J.P Chesnay - Jean-Luc Bayeux - Roland Le Corff - Jean-Henri Manara - Vétra collection Christian Py -Christain Buisson
Sources : Jean Capolini et son on étude comparative sur les trolleybus de petit gabarit - l'AMTUIR - Joël Darmagnac avec une série d'articles parus dans Charge Utile Magazine : N° 80 d'août 1999 (Les transports urbains de Poitiers) et N° 102 de juin 2001 (Les premiers trolleybus Vétra de grande série) - Henri Martin
Georges Muller (†) "Les trolleybus français en France et dans le monde 1900-2016" (2017) aux éditions Maquetrén (Espagne). Le réseau de trolleybus de Lyon doit beaucopup à Ce brillant ingénieur que fut Georges Muller, Entre 1973 et 1982, il fut chef des Etudes techniques aux TCL de Lyon (2), en charge de la modernisation du réseau de trolleybus, des extensions, des études et de la construction des ER 100, de 2 nouveaux dépôts, de la construction de la crémaillère de la Croix Rousse, transformation du funiculaire de St-Just,
René Courant (†) et Pascal Béjui "Les trolleybus français" aux éditions Presse et éditions ferroviaires (1985) - Charge Utile Magazine.
Bien entendu, ne manquez pas non plus de consulter la fabuleuse collection de photos de bus, trolleybus, tramways, funiculaires, trains, téléphériques...de Jean-Henri Manara sur le site Flickr, des photos couleurs d'une grande rareté, datant même d'avant 1963 et d'une qualité exceptionnelle : suivre ce lien : jhm0284 : Une véritable plongée dans l'histoire passée des transports de différents pays : France, Suisse, Belgique, Espagne, Portugal, Autriche, Pays Bas, pays scandinaves etc..
© Roland Le Corff 2003 - créée le 06/04/2003 - version du 14/03/2021