Les motrices modèles Ivry et Tisy étaient construites d'après Gabriel Bonnafoux aux ateliers d'Ivry. Je pense qu'il s'agissait des usines de la Compagnie Française de Matériel de Chemin de fer (CMCF), une entreprise de construction ferroviaire située à Ivry-sur-Seine (ville située de nos jours dans le Val-de-Marne, en bordure du 13ème arrondissement à l'est de Paris) . Elle fut fondée en 1872 en reprenant les actifs de la Société Charles Bonnefond et Cie, spécialisée dans la construction de matériel ferroviaire. On trouve les mêmes motrices Ivry sur le réseau du Havre par exemple.
En 1911, la CFMCF acquit les usines du Tilleul à Maubeuge dans le Nord. La CFMCF a construit du matériel de chemins de fer et de tramway pour les réseaux français et coloniaux. Entre 1925 et 1939, elle a construit 18 281 wagons de marchandises et 735 voitures à voyageurs.
Les Tisy furent au nombre de 10, numérotées de 81 à 99 par chiffres impairs donc en clair : N° 81, 83, 85, 87, 89, 91, 93, 95, 97, 99. Elles furent démolies entre 1950 et 1955. Très curieusement, si l'on en croit la photo de la motrice N°81 avec ses 6 panneaux vitrés, ce serait en fait une Ivry et non une Tisy (voir la page Ivry) car les Tisy n'ont que 4 panneaux vitrés. Encore une bizarrerie relevée dans le livre de Gabriel Bonnafoux.
Avec une carrosserie entièrement en bois, elles furent construites à partir de 1905. Ces motrices paraissent déjà beaucoup plus modernes que les Schuckert mises en service en 1897. Elles arrivent à point pour les soulager sur le réseau puis les remplacer en partie. Elles auront une extraordinaire longévité puisque la motrice N° 99 roulera le dernier jour de l'exploitation par tramways sur la ligne N°6, le 15 avril 1955 soit une cinquantaine d'années de bons et loyaux services, chapeau !
Les Tisy furent également surnommées "Parisiennes" par le réseau comme on peut le constater sur l'inventaire du matériel de 1930. Ces motrices sont légèrement plus courtes que les Ivry : 7,850 m au lieu de 8,835 m soit près d'un mètre de moins. Le poids à vide s'en ressent logiquement puisque la Tisy pèse une tonne de moins que l'Ivry. Le nombre total de places est cependant presque identique 48 au lieu de 50. La puissance est identique pour les 2 types soit 90 Cv.
A l'origine les motrices sont équipées de plate-formes ouvertes à chaque extrémité avec accès à condamnation par portillons amovibles comme peut le voir sur la photo ci-dessous. Comme toutes les autres motrices du réseau, elle est montée sur des roues simples non directionnelles et non sur des bogies qui peuvent suivre les courbes. Ainsi, les passages dans des courbes au rayon serré est plus difficile avec ce type de truck et l'usure des rails est beaucoup plus importante à cause des frottements des boudins de roues. Dans la rue d'Alger, il existait par exemple une courbe de 14 mètres de rayon, ce qui est extrêmement serré.
On distingue bien sur le truck, l'empattement court (2 m entre les roues) ainsi que les porte-à faux importants de part et d'autre (pas loin de 3 m !) . Sur la toiture, on devine les lanterneaux qui à l'origine vitrés, dispensaient de la lumière dans l'habitacle. Par la suite les vitres ont été remplacées par du bois.
Pour le confort des passagers, les banquettes transversales sont à dossiers réversibles, cette disposition a l'avantage de permettre aux voyageurs de s'asseoir dans le sens de la marche.
Après la libération, fin août 1944, une tentative de rénovation des vieilles voitures est en train de se faire. Il semble écrit Gabriel Bonnafoux, que les wattmans soient devenus plus fragiles pendant ces dures années car les motrices Ivry, Tisy et Carde non vestibulées, se voient munies d'un pare-brise peu esthétique mais efficace. On peut ainsi comprarer la même motrice Tisy N° 97 dans ses 2 versions. Il faut savoir que le wattman conduisait sa machine debout sur la plate-forme ouverte à tous les vents, hiver comme été, sous le soleil comme sous la pluie, la main droite sur le frein, l'autre main sur le manipulateur pour commander le démarrage et l'accélération.
Il faut regarder attentivement la toiture, le pavillon qui supporte la perche, avec ses lanterneaux obturés, a été recarrossé et il a maintenant une forme plus arrondie.
Photo Philippe Benoît - coll. ASBTP - Le 15 avril 1955, c'est la fin pour cette motrice Tisy N° 99 et pour tous les autres tramways du réseau de Toulon. Cliquer pour agrandir) |
Il y avait foule ce soir-là dans le dernier tramway pour les Routes sur la ligne N° 6 (voir § sur cette ligne). Au pied de la motrice, mains dans les poches, le wattman avec sa casquette à moins qu'il ne s'agisse du receveur, pose pour la photo souvenir. On devine une grande émotion dans son regard surpris par le flash du photographe de Toulon-Soir. Même si l'outil de travail était inconfortable et obsolète, il y a sûrement un brin de tristesse car c'est la fin d'une époque. Ce seront surtout des Carde qui circuleront pour le dernier voyage des tramways sur le réseau toulonnais (les 3 motrices numérotées 107, 125 et 127).
Les trams étaient porteurs de placards publicitaires; tout était bon pour rapporter un peu d'argent à la Régie qui en a toujours manqué cruellement. Ici une réclame pour le vin Kiravi (votre vin favori), un vin de table fort prisé à l'époque au même titre que le Margnat... A cette époque de grande liberté, rien n'interdisait de faire de la publicité pour le vin ou toute autre boisson alcoolisée.
|
Photo col. G. Bonnafoux - Ci-dessus la Tisy N° 99 stationnée sur la voie de garage de la rue des remparts. |
Les tramways auront servi pendant 51 ans sur cette ligne N° 6 démarrant de la rue de Lorgues ( en haut du cours Lafayette) et allant jusqu'aux Routes en passant par la place Noël Blache, le boulevard de Strasbourg, la place Gabriel Péri.
De ce rond-point, la ligne bifurque dans l'avenue Lazare Carnot puis file vers St-Roch. Elle reprend vers le nord jusqu'à la place Sadi -Carnot, après la rue du Docteur Fontan, la voie du tram franchit un pont surplombant les voies de la SNCF. Après le couvent des soeurs de St-Maur, on arrive place Amiral Duperré au quartier Armand Barbès. Quelques 400 m plus loin, la voie s'engouffre dans une tranchée.
Plus loin la ligne suit le chemin des Routes, passe le pont sur la Rivière Neuve. On arrive place Jean Macé, centre du quartier des Routes; la voie bifurque ensuite sur la droite vers le nord et le Baou de Quatre-Oures. Elle traverse le passage à niveau, laisse à sa gauche le chemin de l'Oratoire et atteint enfin le terminus de la place Bouzigue, dénommé également les 4 chemins des Routes.
Année de construction |
1905 |
Fabrication |
Française |
Constructeur |
Ateliers d'Ivry (CMCF) |
Longueur |
7,850 m |
Places assises |
18 |
Largeur |
2,000 m |
Places debout |
30 |
Truck |
Thomson Ivry |
Total passagers |
48 |
Empattement truck |
2,000 m |
Carrosserie |
Entièrement en bois |
Lanterneaux de toit |
vitres remplacées par du bois |
Baies latérales |
Châssis vitrés amovibles -4 par face |
Plates-formes |
ouvertes extrêmes avec accès latéraux à condamnation par portillons amovibles |
Disposition des portes |
1 porte à 2 vantaux à l'avant |
1 porte à 2 vantaux à l'arrière |
|
Banquettes |
transversales réversibles |
Suspensions |
ressorts à lames |
Moteur |
A l'origine : GE 800 puis T.H2 ** contrôleurs B.A résistances à grille fonte |
Puissance |
2 x 45 cv =90 cv |
Prise de courant |
par perche unique |
Poids à vide |
10,000 t |
Freins |
à vis |
P.T.C |
13,000 t |
Effectif |
10 numérotées de 81 à 99 par chiffres impairs |
Démolition |
entre 1950 et 1955 |
** GE-800 moteur fourni par General Electric -T.H2 moteur fourni par Thomson-Houston La motrice N° 99 roula jusqu'au dernier jour de l'exploitation sur la ligne N° 6. |
Photos archives STVG et RMTT : Tout d'abord un immense merci à Yohan Keller (ASBTP : Association pour la Sauvegarde des Bus Toulonnais et Provençaux, site : http://www.asbtp83asso.fr/) pour les magnifiques photos qu'il m'a transmises. Certaines sont de Philippe Benoît . Merci également à Jacques Visconti pour me faire partager ses souvenirs.
Hélas parmi tous les passionnés qui ont permis de collecter les données historiques ou les photos qui illustrent ces pages, beaucoup nous ont quittés, les petites croix (†) figurant auprès de trés nombreux noms cités ci-dessous en témoignent hélas. Je dédie ces pages à leur mémoire en gage de ma reconnaissance.
Frédéric Durante (†) ARTM (Amis du Rail et des Transports de Marseille) - Claude Borderie (†) FACS Fédération des amis des chemins de fer secondaires
L'immense majorité des renseignements et photos sur les tramways provient de l'ouvrage suivant : "1880-1980 Un siècle de transports en commun dans l'agglomération toulonnaise" par Gabriel Bonnafoux (†) et Albert Clavel, paru en 1985 à compte d'auteur; imprimé par les Presses de l'Atelier du Beausset - 83330 Le Beausset.( épuisé et difficile à trouver) - Les données historiques sur les Ets Carde proviennent de Charge utile magazine N° 134, 135 et 136 sortis en 2004 et du site http://ruedupetittrain.free.fr/personnages/carde-gustave.htm
Jean Robert (†) " Histoire des Transports dans les Villes de France" édité à compte d'auteur en 1974 - épuisé ( Jean Robert fut l'un des fondateurs de l'AMTUIR)
Wikipedia pour l'article sur la CMCF : Compagnie Française de Matériel de Chemin de fer (Ateliers d'Ivry)
Autres photos : collection personnelle de cartes postales de Roland Le Corff dont certaines issues de la collection de Renaud Sémadéni (Toulon) - Merci également à Jean-Marc Audirac et à Jean-Louis Bobinec pour leurs photos.
Musée de l'AMTUIR : http://www.amtuir.org/ Merci à Thierry Assa, secrétaire de l'AMTUIR qui m'a autorisé à utiliser des photos provenant de la collection du musée.
© Roland Le Corff 2003 - créée le 01/06/2003 - version du 23/04/2021