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Les lignes du réseau de trolleybus de Toulon

La ligne 7 : Gare - Magaud

Cette ligne, c'était ma ligne chérie, celle de mon enfance et de mon adolescence à Toulon dans les années 50 à 70. Ma passion des trolleybus y est née, c'est absolument évident. Lorsque j'attendais le trolley à l'arrêt (facultatif) du chemin Fabry ou à la Serinette, j'entendais d'abord les fils de cuivre des lignes de contact qui vibraient d'une manière caractéristique (comme une sorte de cliquetis métallique) puis je voyais mon trolley qui s'approchait et finissait par stopper à l'arrêt (car je lui avais fait signe auparavant. Ce qui attirait le plus mon attention, c'était ce gros logo Vétra sur la calandre avec ses éclairs couleur alu de part et d'autre du rond central avec un fond rouge et le mot Vétra dans le cercle.

Je me souviens aussi du chauffeur et du receveur avec leur casquette blanche et leur chemise couleur beige, identiques à celle des militaires. Un coup de manivelle dans la "moulinette" et les tickets étaient oblitérés dans un bruit de crécelle. Rien que de penser à cette époque, ce n'est que du bonheur. Le trolley était souple et silencieux mais attention au freinage qui était brutal d'où l'avertissement affiché sur le plafond à droite au dessus du chauffeur : "Attention, freins puissants". Malheur au passager qui ne se tenait pas au moment du coup de patin pour éviter une voiture par exemple, il valdinguait d'un bout à l'autre du couloir mais quand le véhicule était bien rempli, les autres voyageurs servaient d'amortisseurs.

Regrets

De nos jours et ça date de peu, la ligne 7 n'existe plus sous son numéro, elle a été fusionnée avec la ligne 5 et porte désormais le N° 6 et ne dessert même plus la gare SNCF, j'en suis mortifié ! Quel dommage !!!!!! Je maudis le réseau Mistral d'avoir débaptisé cette ligne historique de même que le ligne 3. On a tué mes souvenirs !

C'était tellement pratique pour prendre le train ou en descendre avec cet arrêt juste en face de la gare. C'est encore un pan d'histoire de la RMTT qui s'écroule. Maintenant elle va de La Ripelle comme l'ancienne ligne 5 (non loin des Routes et du Revest) et va jusqu'à la Terre Promise comme l'ancienne ligne 7. Il faut croire que les grosses têtes qui dirigent tout ça ne prennent jamais le bus ! Evidemment ça fait penser à ces énarques complètement coupés de la réalité du monde et qui hélas nous gouvernent.

Plan Jean-Philippe Coppex modifié par R. Le Corff - Plan du réseau de la RMTT : ligne N°7 - Cliquer pour agrandir

 

Principaux arrêts desservis : Sens Gare SNCF- Magaud

Départ : Gare SNCF (place Albert 1er), Vauban, Liberté (place de la Liberté face aux Dames de France), Strasbourg ( face au magasin St-Rémy), Place Noël Blache (face au lycée Peiresc) Clémenceau, Champ de Mars, Saint-Pie X (près du rond-point Bir Hakeim), La Rode (Paul Bert), Audéoud, Aguillon, Claude Farrère, Petit Bois, Saint-Georges, La Serinette, Fabry, Cap Brun (la place du Cap Brun est devenue place du général Baratier au début des années 60), chemin du Fort, Maison blanche, Magaud terminus, le triangle de retournement est situé un peu plus loin, boulevard du docteur Bourgarel).     

Historique :

La ligne de tramways qui desservait le Cap Brun et allait jusqu'à Port Magaud, a beaucoup souffert des combats de 1944, le Champ de Mars et la rue Sylvain qui serpente au milieu du quartier des abattoirs sont complètement dévastés. Le tramway est rétabli en 1945 et circulera jusqu'à 1954, date à laquelle les trolleybus VCR prendront avantageusement le relais. Leur petit gabarit leur permet de se faufiler sur l'étroite route du Cap Brun ( devenue avenue de la Résistance avec le Docteur Puy, maire de Toulon entre 1948 et 1953) et de franchir le difficile passage de la rue Sylvain.

Dès 1948, il avait été décidé de faire passer la ligne N°7 au trolleybus, elle était même classée dans les priorités juste après la ligne 3 du Mourillon. En fait il faudra attendre la mise en place de la ligne 1A permettant d'accéder au centre ville et à la gare SNCF pour finaliser la ligne 7. En effet, la ligne 7 est en tronc commun avec une partie de la ligne de la ligne 1. Après le Champ de Mars, au niveau du rond-point Bir-Hakeim, la ligne 7 quitte le tronc commun de la ligne 1 et bifurque vers la Rode et l'avenue de la Résistance.

Pendant l'installation des bifilaires, des autobus remplaçeront les tramways. Selon les auteurs, la mise en service varie entre 1953 (Albert Clavel) et 1954 (Gabriel Bonnafoux).

La ligne va fonctionner pendant 10 ans à la satifaction de tous ses usagers dont votre serviteur qui prenait le trolley tous les jours ouvrables à partir de 1962 pour se rendre au lycée Peiresc. Je me souviens de ce joli logo Vétra avec ses éclairs électriques qui attirait le regard sur la face avant des trolleys, il m'a sans doute beaucoup fasciné car depuis j'ai la passion des trolleybus et surtout ceux de Toulon.

La fin : En 1964, suite aux travaux préparatoires à la construction de l'autoroute Est (A 57) vers Fréjus, la ligne N°7 est coupée par l'emprise ( et ce sera également le cas pour la ligne N°9); On voit très bien en pointillés oranges, la future emprise de cette autoroute sur le plan Blay datant de 1962. les trolleybus cessent donc leur service et sont remplacés par des autobus, ils n'auront duré que 10 petites années. Les trolleybus iront assez vite à la ferraille suite à leur mise au rebut.

Le parcours de la ligne 7 : sens Gare SNCF- Magaud

La ligne mesure environ 5,3 kms, le parcours strictement dédié à la ligne 7 mesure environ 3,950 kms. Le trolley part de la gare SNCF puis il file sur le boulevard de Strasbourg, desservant le lycée Peiresc au passage, le champ de Mars, de là il quitte le tronc commun avec les lignes 1 et 9 et passant devant l'église Saint-Pie X (inaugaurée en 1962), il s'engouffre dans le sordide quartier des abattoirs en ruines ( aujourd'hui le quartier de La Rode) il passe le pont sur la rivière des Amoureux ( l'Eygoutier) et monte sur Aguillon par la route du Cap Brun. Il dessert le Petit-Bois ( pas le même arrêt que celui du Mourillon !), la Serinette, le chemin Fabry, la place du Cap Brun ( là où se trouve l'école primaire) .

Sur la place du Cap Brun existe une bretelle de retournement, les perches débranchées, les trolleys reculaient par gravité jusque sous le bifilaire situé devant les écoles (Ils étaient accrochés sur le mur de l'école) A partir du chemin du Fort du Cap Brun, le bifilaire devenait simple sur une longueur de 900 mètres, compte tenu de l'étroitesse de la route.

Le trolley remonte l'étroite et sinueuse route qui l'emmène vers le terminus : Magaud un petit coin perdu au milieu des pins. Un café y attend le voyageur, il s'appelle bien sûr "le Magot"  Le vrai terminus se situe en fait à l'intersection du boulevard du docteur Bourgarel avec la route du Cap Brun et en face du Chemin de la mer qui descend au port Magaud. Là se trouve un triangle de retournement afin que le trolley puisse se remettre dans le sens du retour.

Le passage aux abattoirs sur la ligne 7 :

Le quartier des abattoirs avait une allure de ville détruite par la guerre; il avait subi les bombardements de 1943 et 1944 dont la gare du Sud France située juste en bordure avait fait les frais. Il ne erstait par endroits que des murs. On voyait le ciel par les fenêtres démunies de vitres, du  linge y pendait cependant, démontrant que l'endroit était encore habité. En fait, il s'agissait de romanichels (appelés aussi "caracous" par les Toulonnais, mot dérivé de caraques) qui y avaient établi leur campement et vivaient là dans leurs roulottes, dans des conditions absolument épouvantables. Le fameux guitariste Django Reinhardt y a traîné ses basques dans les années 30.

Ces terrains étant inondés à chaque forte pluie, l'eau y stagnait la plupart du temps. Tout était d'une saleté repoussante, l'eau sale et les ordures donnaient à ce quartier puant une allure de cloaque. Par ailleurs, l'endroit sentait très mauvais sans doute à cause d'une tannerie qui fonctionnait encore. L'air était empuanti par l'odeur des peaux qui séchaient. La traversée du quartier des abattoirs était loin d'être une partie de plaisir, heureusement le trajet était court.

 

En examinant ce plan en détail, on pourra remarquer toute la poésie contenue dans certains noms de rues : chemin de l'Égorgerie, impasse des Agneaux, quelle belle association d'idées ! On est bien dans le quartier des abattoirs, ça ne fait aucun doute. Vous vous imaginez demandant son adresse à un ami habitant à Toulon dans ce quartier à cette époque ?

"tu habites où, toi ? Moi ?  j'habite aux Abattoirs, 3 chemin de l'Égorgerie" ? Sympa, non ? Ca donne vraiment envie d'aller voir cet ami !

Au coin dela rue Sylvain, je me souviens de la réclame peinte sur le mur : "Roure Jambons -salaisons" avec un cochon bien rose et bien souriant pour illustrer la raison sociale de cette belle entreprise de salaisons. Les frères Roure étaient à l'origine des chevillards qui exerçaient déjà dans les années 30 aux abattoirs, leur royaume de prédilection.

La Rode des années 60, c'était un quartier vraiment pourri et partiellement en ruines:

Il faut savoir qu'en 1967-1968, existait encore rue d'Entrecasteaux tout près du Lycée Dumont d'Urville, un véritable bidonville auprès duquel les favelas brésiliennes paraissaient presque luxueuses: baraques de tôle et de bois de récupération, fossés remplis d'une eau immonde, odeurs pestilentielles : des gens, dont beaucoup d'enfants vivaient dans ce cloaque sans que la municipalité toulonnaise semble beaucoup s'en émouvoir. Je passais tous les jours devant en me rendant au lycée, j'en garderai à jamais le souvenir. Ces bidonvilles ont contribué à retarder de manière très significative les travaux de reconstruction du quartier de La Rode.

Pour revenir à quelque chose de plus gai, j'ai toujours trouvé cela amusant de voir les abattoirs voisinant avec un centre de transfusion sanguine. Juste à côté il y avait la maison "Roure frères : Jambons, salaisons" avec une belle enseigne peinte sur le mur, elle représentait bien évidemment un cochon rose. Cela devait se trouver dans le fameux virage en S de la rue Sylvain sur le côté gauche quand on remontait vers Aguillon et le Cap brun. Il y avait toujours de très mauvaises odeurs qui empuantissaient l'atmosphère dans cette zone.

C'était vraiment un moment peu agréable à passer aussi bien pour les chauffeurs que pour leurs passagers  Vers 1970-75 commençait à se dresser à la place, le tout nouveau quartier de la Rode ultra moderne avec ses tours de béton ( dont  celui de la Sécurité sociale et de la C.A.F bâti en 1970... il était baptisé le Corbeau. A la Rode, tous ces nouveau immeubles avient un nom d'oiseau : Pélican, Albatros, Ibis...

Enfin maintenant tout cela, c'est devenu du "vieux moderne" car le quartier a déjà une cinquantaine d'années. D'ailleurs la C.A.F va quitter les lieux avec tous ses employés pour rejoindre un bâtiment tout neuf à La Loubière.

Plan d'après Plan Blay 1962- le plan est scindé en 2 pour permettre une meilleure lisibilité des noms de rues. Premier tronçon : Gare SNCF à Aguillon par le Rode et l'avenue de la Résistance. En pointillés, la future emprise de l'autoroute A57.
Plan d'après Plan Blay 1962 - Deuxième tronçon : Quartier d'Aguillon jusqu'au terminus de Magaud par le Cap Brun. Le tracé en bleu indique que les bifilaires passent de doubles à simples vu l'étroitesse de l'avenue de la Résistance à cette époque après le Chemin du Fort.

Les boucles et bretelles de retournement :

Devant la gare SNCF, il y'a une boucle de retournement qui est commune aux lignes 3, 7 et 9; sur le reste du parcours, il existe une bretelle de retournement installée devant l'école du Cap Brun et une autre au terminus, boulevard du Docteur Bourgarel.

Voici celle de la place du Cap Brun ( place du Général Baratier de nos jours), le schéma ci-dessous signé Gabriel Bonnafoux explique comment le trolley pouvait reculer une fois déperché, par la simple action de la gravité, dans le petit parking situé devant l'école primaire. (La route du Cap Brun étant en pente, permettait cette manoeuvre). Evidemment, il ne fallait pas que le parking fut occupé à ce moment par des voitures. Pour ma part, lorsque j'étais écolier entre 1957 et 1962, je me souviens d'avoir vu au moins une fois, un trolley effectuer cette manoeuvre. En réalité je ne comprends pas très bien l'utilité de cette bretelle, elle aurait servi pour des trolleys ne continuant pas leur course jusqu'au terminus de Magaud et auraient du faire demi-tour à cet endroit pour repartir vers la ville. Peut-être, y a-t-il une raison technique ? Personnellement, je ne me souviens pas d'avoir vu des trolleys affichant Cap Brun sur leur girouette.

Ci-dessous la bretelle de retournement du terminus de Magaud, croquis signé Gabriel Bonnafoux.

 


Sources :

"1880  -1980: Un siècle de transports en commun dans l'agglomération toulonnaise" par Gabriel Bonnafoux (†) et Albert Clavel - Henri Martin - Article d'Albert Clavel paru dans Charge Utile Magazine  N°107 : "Les trolleybus Toulonnais, 24 ans de traction électrique au soleil" - Plan des boucles de retournement : Gabriel Bonnafoux - Michaël Dietrich secrétaire de l'A S P T U I T : Association pour la Sauvegarde du Patrimoine des Transports Urbains & Interurbains Toulousains - Wikipédia -

Georges Muller (†) "Les trolleybus français en France et dans le monde 1900-2016" (2017) aux éditions Maquetrén (Espagne). Le réseau de trolleybus de Lyon doit beaucopup à Ce brillant ingénieur que fut Georges Muller, Entre 1973 et 1982, il fut chef des Etudes techniques aux TCL (Transports en Commun Lyonnais), en charge de la modernisation du réseau de trolleybus, des extensions, des études et de la construction des ER 100, de 2 nouveaux dépôts, de la construction de la crémaillère de la Croix Rousse, transformation du funiculaire de St-Just,

Photos :

MPTUR (don de Noël Mailliary †) - COMSIP collection Christian Buisson (COMSIP est une entreprise d'ingénierie industrielle créée en 1949 qui a été reprise par CGEE-Alsthom en 1980) - Plans des lignes d'après Jean-Philippe Coppex et Google Maps

Ne manquez pas de consulter la fabuleuse collection de photos de bus, trolleybus, tramways, funiculaires, trains, téléphériques...de Jean-Henri Manara sur le site Flickr, des photos couleurs d'une grande rareté, datant même d'avant 1963 et d'une qualité exceptionnelle : suivre ce lien : jhm0284 : Une véritable plongée dans l'histoire passée des transports de différents pays : France, Suisse, Belgique, Espagne, Portugal, Autriche, Pays Bas, pays scandinaves etc..Dans la même veine, découvrez également sur Flickr les rares photos de Jean Capolini dont certaines datent d'avant 1960 sur ce lien : https://www.flickr.com/photos/151983085@N05/albums

 ©   Roland Le Corff  2013 -  créée le 12/04/2003 - version du 11/11/2024