Préambule :
Tout d'abord, je tiens à remercier ici très chaleureusement Monsieur Philippe Pérez qui m'a permis de publier en exclusivité son nouvel artiicle sur les autobus standard Berliet PCM. Il se décompose en 4 pages de texte et 3 pages de photos.
Alors pourquoi une page sur les autobus standards sur mon site consacré au réseau de transports de Toulon ? Certes le réseau de Toulon (la RMTT) a bien été doté de quelques autobus standards, 9 unités au total, mais il s'agissait non de Berliet type PCM mais de SAVIEM SC 10. Vous trouverez d'ailleurs l'historique de la création de ces autobus standards SC 10 sur la page consacrée aux SC 10 244 U PA.
- Le SAVIEM SC 10 U 444 : La RMTT met en service entre 1967 et 1968 ses 4 premiers autobus du type standard, les SC 10, numérotés de 49 à 52 puis en 1971 renumérotés de 24 à 27.
- Le SAVIEM SC 10 244 U PA (muni d'une plateforme arrière) : 5 véhicules mis en service entre 1978 et 1979.
Dans les années 50, les réseaux de transports urbains utilisaient un grand nombre de véhicules très disparates, compliquant la maintenance, la formation des conducteurs et l’approvisionnement en pièces détachées.
Un essai de standardisation était réalisé à la RATP, qui adoptait le modèle OP 5 conçu en collaboration avec la firme SOMUA de St-Ouen. Celui-ci était livré en grand nombre (921 unités au total) à partir de 1951. Il était équipé, à l’époque, du plancher le plus bas, donc d’un accès plus aisé pour les voyageurs, de la plus grande surface vitrée et d’une motorisation suffisante pour assurer un service régulier dans la plupart des villes. Malheureusement, le coût de cette voiture était réellement élevé, seules la RATP et la CTS de Strasbourg purent s’en doter.
L’OTL de Lyon, au début des années 50, essaiera bien un modèle équivalent, baptisé OP 8, mais aucune commande ne s’ensuivit.
L’OP 5 disposait d’un châssis, d’essieux et d’un moteur SOMUA, et d’une caisse fabriquée essentiellement par MGT (Million-Guiet-Tubauto). (car 100 unités ont été carrossées par l'atelier central "Championnet" de la RATP ).
Le constructeur lyonnais Berliet, qui n’avait jamais équipé la RATP, concevra pour Paris, en 1955, un modèle dérivé de l’OP 5, le PCP 10 avec un châssis, des essieux et le moteur MDZ 5 de la marque (le fameux moteur Magic) et une caisse CIV (Carrosserie Industrielle de Versailles) pour 20 exemplaires et MGT pour les 80 suivants, adaptée de celle du SOMUA.
Ce modèle donnera naissance en 1960 au PCS 10, construit à 50 exemplaires pour la RATP, qui disposera d’un châssis et d’essieux SOMUA (devenu SAVIEM entre-temps) d’une caisse MGT et d’un moteur Berliet de type MDZ 23. A titre expérimental, les 5 derniers PCS 10 seront livrés avec un pare-brise cylindro-cyclique dont seront équipés tous les autobus standards construits après 1965. Ce pare-brise évitait les reflets intérieurs qui éblouissaient le conducteur, lorsque le compartiment voyageurs était éclairé.
À la fin des années 50, le transporteur parisien, dont le bureau d’études faisait à l’époque un grand nombre de recherches, entreprit d’écrire avec les réseaux de province regroupés au sein de l’UTPUR (Union des Transporteurs Publics Urbains et Régionaux), un cahier des charges pour l’autobus du futur (note1 )
Au début des années 60, 3 constructeurs répondirent au cahier des charges, Berliet, SAVIEM et Verney. Chacun fournit à la RATP un prototype pour les essais en ligne.
Le constructeur lyonnais comptait bien pénétrer de façon significative dans le parc des autobus de la régie, le nombre de voitures à fournir était important s’agissant, en quelques années, de remplacer la quasi totalité des 3046 autobus du réseau parisien, notamment les autobus à plateforme, d’avant-guerre, dont certains totalisaient 30 années de services et le million de kilomètres.
Le 21 septembre 1965, au cours d’une conférence de presse, la RATP dévoilait au public les 3 prototypes.
Berliet avait adopté une conception traditionnelle, un châssis avec longerons et une caisse fixée à celui-ci, l’originalité provenant du fait que celle-ci était en aluminium, permettant ainsi un gain de poids d’une tonne par rapport à une même caisse construite en acier. Le "design" était confié au styliste industriel français Philippe Charbonneaux qui travaillait à l’époque pour le bureau d’études du constructeur.
A noter que Berliet voulait faire réaliser la caisse par le carrossier MGT mais celui-ci venant de déposer le bilan, il dût fabriquer la carrosserie lui-même.
L’originalité consistait dans l’adoption d’une suspension intégrale à coussins d’air brevetée par Dunlop, de type Pneuride. Le même système sera d’ailleurs adopté pour le camion Stradair.
Le principe de la suspension Pneuride était simple, comme le rappelle le manuel de conduite et d’entretien de l’autobus urbain type PCM U (mai 1967) :
« Des coussins d’air à caractéristiques de flexibilité bien définies, sont interposés entre le châssis et les essieux du véhicule. Leur alimentation est assurée par des valves de nivellement dont le rôle est de permettre la constance du niveau du châssis par rapport au sol en contrôlant à tout instant la pression interne des ressorts. Suivant que la charge croît ou décroît, la valve gonfle ou dégonfle les coussins. La flexibilité des coussins varie donc avec la charge supportée, ce qui permet d’obtenir quelle que soit celle-ci, une même pression de confort à bord du véhicule."
Le moteur était allemand, un MAN DO 836 HM8U d’une cylindrée de 7034 cm3 . La transmission agissait sur un pont arrière de type FPSP 6 à double démultiplication fabriqué par Berliet.
Le constructeur lyonnais fournissait un prototype à la RATP, baptisé PCM R (pour RATP) et portait le numéro de coquille (ou numéro de parc) 4451 (note 2). Cette voiture était à 2 agents et bénéficiait d’une porte simple à deux vantaux à l’avant, d’une porte double à quatre vantaux au milieu et une porte arrière similaire (disposition en 244 en commençant l’énumération par le nombre de vantaux à l’avant). Le numéro de châssis était 9 C 1 .
Pour une raison inexpliquée, la série 9C sera interrompue, la numérotation des châssis des PCM R débutera à 9D 2, en novembre 1965, voiture immatriculée 4601 ( les n° de parc ou de coquille RATP se confondant à l'époque avec l'immatriculation) jusqu'au 9D 751 qui portera la coquille 4250 et qui sera le dernier PCM R livré à la Régie en décembre 1969.
Le prototype RATP sera prêté à certains réseaux de province dont Strasbourg qui l’essaiera début 1966 sans donner suite (note 3).
Quatre versions de PCM R seront construites :
- deux à deux agents version 244 (une avec aménagement des sièges pour la banlieue et l’autre pour Paris),
- et deux autres à un agent, d’abord en version 441 (1 pour porte battante à l’arrière) et enfin la dernière version en 440 (note 4).
Au total, il y aura 6 tranches de livraison qui se répartiront de novembre 1965 à mars 1969 pour un total de 750 voitures pour le réseau parisien.
Pour les réseaux de province, Berliet déclinera son PCM qui sera baptisé PCM U (U pour pour UTPUR ) en deux versions, le premier avec la caisse semblable au PCM R carrosserie en aluminium, qui prendra le nom de PCM UL (au total 360 exemplaires furent construits) et enfin, à la demande du réseau de Marseille un modèle avec une caisse en acier, similaire à celle du PH 12/100 qui sera baptisé PCM UC (au total 18 voitures furent construites dont seulement 2 pour Marseille, qui seront revendus à Monaco, les 16 autres exemplaires allant à Poitiers (6), Rennes (4), Perpignan et Bourges (2 chacun) et au Service Transport des usines Berliet (2).
Il semblerait qu’il y ait eu deux prototypes du PCM UL, l’un en version 244 et l’autre en version 444 (note 5). Ils porteront les numéros de châssis 9 E 1 et 9 E 2.
* Lorsque l’on évoque l’autobus standard on pense surtout au SAVIEM SC10. Celui-ci sera construit sans interruption de 1965 à 1989, par la SAVIEM puis par RVI à partir de 1980. Il sera vendu à plusieurs milliers d’exemplaires. On n’oublie un peu trop vite son concurrent direct, le Berliet PCM, construit de 1965 à 1971. S’il n’a pas eu le succès escompté, il mérite qu’une étude exhaustive lui soit consacrée.
1 Pour tout savoir sur les dispositions contenues dans le cahier des charges, voir le livre d’Éric Tourniquet : "Autobus et autocars SAVIEM " page 160, éditions ETAI 2017.
2 Film de présentation du PCM R, sur YouTube https://www.youtube.com/watch?v=aVb6OEAhE0Y
3 Photos dans le livre BERLIET 1905-1978, toute la gamme omnibus, autocars, autobus et trolleybus par Christophe Puvilland, éditions Histoires et Collections 2008, page 169 -
4 Articles de l’'auteur dans la revue Charge Utile n°166,167 et 168, octobre, novembre et décembre 2006.
5 Le prototype du PCM U en version 444 peut être vu dans le livre de Jean-Pierre Zimmermann intitulé "Autobus et autocars de Strasbourg", Édition ID, 2014 page 82 (notons que la compagnie strasbourgeoise a aussi essayé le prototype du PCM R construit pour la RATP, cf page précédente). Ce même prototype peut aussi être aperçu dans le film "Le Tonnerre de Dieu" avec Jean Gabin, sorti en septembre 1965 et réalisé par Denys de la Patellière, dans les toutes premières images du film montrant la gare routière de Nantes.
Vidéos : 3 films de Philippe Pérez sur YouTube ( il s'agit de films en Super 8 numérisés) : Berliet autobus type PCM U de la CAM (1970) : https://youtu.be/3jTZ6A2jsGU et les autobus Berliet PCMU de la CAM (Compagnie des Autobus de Monaco) tournés en août-septembre 1980 : https://youtu.be/GXwD1EndaF0 et https://www.youtube.com/watch?v=mwcgBVcK9YI
Sur la 3ème vidéo, un moment pittoresque : l'entrée d'un PCM UL en marche arrière dans le dépôt exigu du Cap d'Ail, obligeant un agent de la compagnie à couper la circulation sur la RN 7.
Vidéo de l'INA : Présentation du prototype du PCM R destiné à la RATP, vers 1964 : https://www.youtube.com/watch?v=aVb6OEAhE0Y - Ce film promotionnel montrant le prototype du PCM R a dû être tourné en 1964 et non en 1968 comme il est indiqué sur Youube . De plus, il s'agit bien du prototype du PCM R (destiné à la RATP) et non du PCM U avec un dessin de calandre qui ne sera pas repris en série ni pour les PCM R ni pour les PCM UL. Cette voiture sera transformée en véhicule école très rapidement à son retour après les essais effectués par la RATP en 1965 puis dans les réseaux de province plus tard. Elle retournera Paris. En 1968, elle était déjà au dépôt des Lilas avec le proto SC10, transformées toutes deux en voiture-école.
Photos : Philippe Pérez - Jean-Henri Manara - diverses sources
Ne manquez pas de consulter la fabuleuse collection de photos de bus, trolleybus, tramways, funiculaires, trains, téléphériques...de Jean-Henri Manara sur le site Flickr, des photos couleurs d'une grande rareté, datant même d'avant 1963 et d'une qualité exceptionnelle : suivre ce lien : jhm0284: Une véritable plongée dans l'histoire passée des transports de différents pays : France, Suisse, Belgique, Espagne, Portugal, Autriche, Pays Bas, pays scandinaves etc..
Roland Le Corff - Page créée le 26/01/2020 - Révisée le 04/07/2021